Alger- Le très puissant chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, qui a dirigé de fait l'Algérie après la démission forcée en avril du président Bouteflika, est Leprésident algérien Abdelaziz Bouteflika et le général Ahmed Gaed Salah, chef d'état-major de l'armée à Cherchell, à l'ouest d'Alger le 27 juin 2012. REUTERS / Ramzi Boudina // Archives . Partager . Print. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a nommé dimanche un nouveau gouvernement, censé apaiser la contestation inédite auquel il fait face depuis plus Enjanvier 1998, il est chargé du commerce et de l’artisanat dans le « contre-gouvernement » du FN supervisé per Jean-Claude Martinez et il est élu conseiller général du canton de Noyon. Sa voix permet à Jean-François Mansel (RPR-UMP-LR) de garder la présidence du conseil général de l’Oise. Il ne se représente pas en 2004. Unmonument dont, sous la forme d’une suite chronologique et thématique, La Guerre d’Algérie en direct offre le meilleur. > UNE COÉDITION HISTORIA - ÉDITIONS DU CERF. - 504 pages. - Album cartonné. - Format : 23 x 30 cm. - Prix : 39 €. - ISBN : 9782204149853. Ajouter au panier. tivevoulue par le Secrétariat général de la Défense et la Sécurité nationale (SGDSN) a cherché à l’imposer. En effet, bien qu’Emmanuel Macron avait demandé, en rendant visite à Josette Audin en septembre2018, l’ouverture des archives sur tous les disparus de la guerre d’Algérie, ce n’est pas ce qui s’est produit. Les NENtu. De 1954 à 1962, ce sont près de huit ans d’une guerre terrible qui secouent l’Algérie. Appelée guerre d’Algérie » ou guerre d’indépendance algérienne » selon les terminologies officielles des gouvernements français et algérien, elle renvoie à des années d’une violence terrible marquées par la torture, les massacres et les attentats perpétrés par les partisans des deux camps. Nonobstant, cette guerre d’indépendance se révèle rapidement comme une guerre des idées partagée entre une presse et une littérature engagées. C’est à travers des points de vues journalistiques et littéraires que nous tâcherons d’appréhender ce conflit majeur de la deuxième moitié du XXe siècle. Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954 éclatent une série d’attentats sur le sol algérien. Ils sont revendiqués par une nouvelle organisation, le Front de Libération nationale FLN qui combat pour l’indépendance de l’Algérie. Le lendemain, le quotidien algérois Journal d’Alger, crée en 1946, consacre une partie de sa une pour évoquer ces événements. Dans une allocution radiophonique, François Mitterrand alors ministre de l’Intérieur, déclare le 7 novembre 1954 L’Algérie, c’est la France et la France ne reconnaîtra pas chez elle d’autre autorité que la sienne. » En 1954, que ce soit le gouvernement français, la presse ou les intellectuels français, personne ne conçoit la possibilité d’une indépendance pour ce territoire colonisé sous la Monarchie de Juillet depuis les années 1830. L’Algérie est alors constituée de trois départements faisant partie intégrante de la France. En 1954, personne ne se rend compte de l’ampleur de ce qui vient de commencer. Il est intéressant d’étudier dans quelle mesure, le temps du conflit algérien, l’engagement de la presse et de la littérature est changeant. Il peut représenter le reflet de la politique gouvernementale française ou celui d’un mal-être grandissant dans la population face à cette guerre qui ne dit pas son nom. Enfin, cela peut aussi être le reflet de l’injustice dénoncée par les intellectuels français. 1954-1956 la minimisation du conflit algérien par la presse Dans les années 1950, lorsque qu’éclate la guerre d’Algérie, la presse est le moyen d’information principal devant la radio et la télévision. Celle-ci a été particulièrement fructueuse durant le second conflit mondial et sa place reste incontestée. On distingue dans la presse écrite, la presse d’information ou d’opinion parmi lesquels de grands quotidiens comme France-Soir, Le Parisien libéré, L’Aurore ou encore Le Monde, mais aussi les journaux reliés aux partis politiques comme L’Humanité, qui connaît cependant un fort déclin après la Seconde Guerre mondiale. Enfin, on retrouve les hebdomadaires, qui commencent à se tailler la grosse part du marché et vont contribuer à garder le débat sur le conflit algérien toujours vivace. Parmi eux, à la gauche de l’échiquier politique, on retrouve France Observateur, L’Express ou encore Témoignage chrétien, et à l’extrême-droite, Carrefour et Rivarol. Aux prémices des évènements qui ébranlent l’Algérie, le sujet est loin de faire la une des journaux français. Pour beaucoup de Français métropolitains, les nouvelles d’Algérie ne sont pas pertinentes. Aussi, ce n’est pas la première fois que des revendications politiques secouent ce territoire depuis sa colonisation. D’abord, la presse ne sait pas réellement comment couvrir un conflit qui ne dit pas son nom. On parle alors d’événements » face à un gouvernement français qui ne veut pas se reconnaître en guerre. Pour l’historien Benjamin Stora, Nommer la guerre, ce serait reconnaître une existence séparée de l’Algérie, ce serait admettre une autre histoire ». » Car finalement à cette époque, autant pour le gouvernement français que pour l’opinion publique, les troubles en Algérie ne sont pas faits pour durer et l’idée d’une indépendance est impensable pour tous les partis politiques en place. Le constat est clair l’Algérie est française et restera française et les événements qui secouent l’Algérie ne sont que l’œuvre d’une bande de rebelles. Cela se traduit alors par une faible place laissée aux actualités s’y déroulant dans les journaux métropolitains. L’historien Michel Winock constate qu’il y a alors peu de voix discordantes ». L’ordre du jour étant de rassurer la population sur ce conflit qui n’est pas fait pour durer. À partir de 1955, la donne change lorsque l’Assemblée des Nations Unies inscrit le problème algérien à l’ordre du jour de sa session ordinaire. Cela marque l’internationalisation du conflit. L’Algérie s’immisce au cœur des débats politiques et ainsi de la presse d’opinion et d’information. Le conflit algérien s’enlise. Sous le gouvernement Edgar Faure est adoptée la loi du 3 avril 1955 créant l’état d’urgence. Ce dernier constitue un régime d’exception qui donne de plus grandes prérogatives de restriction des libertés aux autorités administratives. Il est établi sur le territoire algérien pour une durée de six mois. Cet état de faits montre que le conflit grandit de jour en jour malgré la volonté des journaux de minimiser la gravité de celui-ci de par les termes prudents employés comme pacification » ou encore maintien de l’ordre ». Finalement, comme le fait remarquer Michel Winock, l’hebdomadaire illustré Paris Match crée en 1949 est celui qui révèle à travers ses photos aux yeux de l’opinion publique que la France mène bien une guerre et pas seulement des opérations de maintien de l’ordre ». Ainsi, le discours officiel du gouvernement tient difficilement la route face aux images et aux nouvelles qui viennent d’Algérie. Albert Camus, écrivain et journaliste engagé pendant la guerre d’Algérie Suite aux élections du 2 janvier 1956, le président René Coty désigne le socialiste Guy Mollet pour former un gouvernement. Ce dernier décide l’envoi du contingent. Des jeunes hommes entre 18 et 22 ans sont ainsi appelés pour aller combattre en Algérie. Cette décision marque un tournant symbolique dans le conflit algérien puisque pour certains Français qui percevaient alors l’Algérie comme une terre lointaine pour laquelle ils n’avaient aucun attachement, voient leurs fils et frères partir et parfois y mourir. Albert Camus lisant le journal, Agence France-Presse. Pour d’autres, comme les Français d’Algérie, l’attachement à leur terre est viscéral. C’est le cas d’Albert Camus, né en 1913 à Bône actuelle Annaba en Algérie. L’écrivain, issu du quartier populaire de Belcourt à Alger, s’intéresse jeune aux injustices qui règnent en Algérie. À 22 ans, il s’engage au Parti communiste algérien pendant deux ans, de 1935 à 1937, sur les conseils de son professeur de philosophie, Jean Grenier. Après cette première expérience, il fait ses armes politiques dans le monde journalistique où il apprend à dénoncer, à combattre, à proposer et à apaiser. Il débute dans le journalisme en 1938 à Alger républicain, un quotidien algérois qui milite notamment pour des réformes du régime colonial et lutte contre le fascisme et l’hitlérisme. Dans les années 1930 en Algérie, la presse colonialiste, comme L’Écho d’Oran et Le Journal d’Alger, brille par ses silences complices. Journal indépendant, Alger républicain fait véritablement figure d’exception parmi la presse algérienne. Il y rédige en 1939 un célèbre reportage journalistique sur la Misère en Kabylie » où il dénonce les conditions de vie désastreuses du peuple kabyle accusant par là même le gouvernement qu’il juge responsable de cette situation. Plus tard, le 21 août 1944, après la Libération, Camus entre dans l’organe de presse du mouvement de résistance Combat où il devient rédacteur en chef. Il y écrit près de 165 articles éclairant l’actualité politique de son temps et notamment les réformes qu’il souhaite voir advenir en Algérie. Dans une série d’articles, il condamne les massacres de Sétif et de Guelma de mai 1945. Il est alors une des seules voix en France à s’indigner contre le régime colonial. Ainsi la guerre d’Algérie se révèle aussi comme une guerre des intellectuels. Et les milieux littéraires portent nombre de débats politiques, de Paris à Alger. Albert Camus s’engage donc dans le conflit algérien par la plume. Pour les intellectuels, la presse est perçue comme la tribune idéale pour exprimer ses opinions. Albert Camus l’a compris lorsqu’il s’engage dans le journal de Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, L’Express. Il confie à Jean Daniel, collaborateur du journal … le journalisme m’est toujours apparu comme la forme la plus agréable pour moi de l’engagement, à la condition toutefois de tout dire. » La ligne éditoriale du journal se veut de centre-gauche, anti-gaulliste et surtout porte-parole du président du Conseil Pierre Mendès-France. Camus, qui souhaite soutenir le gouvernement Front républicain de Mendès-France aux élections législatives de janvier 1956, rédige trente-cinq éditoriaux évoquant principalement la tragédie algérienne. Il espère un dialogue et une solution pacifique en Algérie. Il engage son propos dans l’article L’Absente » du 15 octobre 1955 où il déplore que l’Algérie ne soit pas une priorité dans les débats au Parlement Mais qui pense au drame des rappelés, à la solitude des Français d’Algérie, à l’angoisse du peuple arabe? L’Algérie n’est pas la France, elle n’est même pas l’Algérie, elle est cette terre ignorée, perdue au loin, avec ses indigènes incompréhensibles, ses soldats gênants et ses Français exotiques, dans un brouillard de sang. » Au travers des pages du journal, l’écrivain dénonce inlassablement l’incapacité du gouvernement à mener et à comprendre cette guerre. Au fil de ses contestations, il développe l’idée d’une trêve civile, une occasion du moins une dernière chance d’apporter un dialogue entre les deux communautés, les Algériens musulmans et les Français d’Algérie, avant qu’un trop grand fossé ne se forme entre elles. Il préconise donc un arrêt des massacres de civils pour établir une discussion entre les protagonistes du conflit algérien. Cette fenêtre d’espoir aboutit le 22 janvier 1956 lorsque Camus lance à Alger son Appel à la Trêve civile entouré par les Libéraux » d’Algérie. Ils constituent une minorité d’Européens qui cherchent à apaiser le conflit et dénoncer les abus coloniaux. L’Appel est un échec puisque le gouvernement de Guy Mollet n’y donne pas suite. En 1956, les camps se forment entre les partisans de l’Algérie française, représentés par les journaux de droite et d’extrême-droite, et les partisans d’une possible indépendance algérienne, incarnée en France par les hebdomadaires de gauche à l’instar de L’Express ou France Observateur et les revues politico-littéraires comme Les Temps modernes fondée en 1945 par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Albert Camus lui, homme de gauche, se place hors de l’échiquier politique traditionnel ne prônant ni l’indépendance algérienne qu’il pense inconcevable, ni le maintien d’une Algérie française injuste et inégalitaire. Albert Camus détonne par son positionnement singulier, atypique, qui n’est pas l’illustration d’un manichéisme prédominant dans le contexte de la Guerre froide. L’écrivain choisit alors de se résoudre au silence », ce qui est très mal reçu dans la sphère intellectuelle française de l’époque à l’heure de l’intellectuel engagé » prôné par Jean-Paul Sartre. L’exemple d’Albert Camus est intéressant dans la mesure où il montre l’engagement journalistique et littéraire d’un intellectuel pour une cause qu’il défend. Bien que l’écrivain a un discours en marge, qui n’est pas mis en relation avec le discours dominant porté par les intellectuels de gauche sartrienne », il est une de ces voix discordantes pendant la guerre d’Algérie. 1956-1958 l’Algérie, au cœur du débat public En 1956, autant la télévision, la radio, toutes deux contrôlées par l’État, que la grande presse continuent à relayer l’idée d’une armée de pacification » qui ne fait pas la guerre. Nonobstant, l’opinion métropolitaine n’est plus dupe en voyant ses fils mourir au combat. Elle prend réellement conscience du drame algérien. La presse rattachée au pouvoir se couvre d’un voile invisible quant aux événements en Algérie. Paris Match arrête de montrer des photos de morts ou de blessés. La guerre n’est plus visible dans l’espace public métropolitain. Le gouvernement contrôle les médias en cherchant toujours à rassurer et à persuader l’opinion française de l’efficacité et la force de son armée. Pendant ce temps, la réalité du conflit algérien est incarnée par la prolongation de la durée de service des appelés mais aussi le renforcement des effectifs. Le 12 mars 1956 est votée la loi sur les pouvoirs spéciaux, ce qui donne au gouvernement Mollet de plus larges prérogatives, notamment dans les domaines juridiques, économiques et administratifs. Concrètement, cela se traduit par l’attribution aux militaires de pouvoirs de police, la législation des camps d’internement et la création d’une procédure de justice où un individu peut être traduit sans instruction. Ces nouvelles mesures marquent un point de non-retour. À ce moment du conflit, et malgré la propagande officielle voulue par le gouvernement à travers les médias, certaines voix commencent à s’élever pour protester. Ces contestations passent principalement par l’écrit, dans les journaux, les revues, les livres et les tracts, la télévision et la radio étant monopoles d’État. La presse dite de gauche s’éloigne du gouvernement socialiste au pouvoir qui assume la guerre. Le Parti communiste français qui alors cherchait à faire un front unique » avec le gouvernement, s’éloigne aussi de leur politique et cela s’en ressent dans les journaux affiliés comme L’Humanité. Cette opposition à la guerre d’Algérie s’incarne surtout à travers quatre hebdomadaires de gauche non-communiste. Tout d’abord l’hebdomadaire politique L’Express, fondé en 1953, qui compte parmi ses collaborateurs de grandes plumes comme François Mauriac, André Malraux ou encore Jean-Paul Sartre. À partir de 1956, il s’écarte de la politique socialiste de Guy Mollet et penche en faveur de l’indépendance algérienne. Plus à gauche que L’Express, France Observateur, né en 1950, est le premier hebdomadaire à parler de guerre d’Algérie ». Sur une ligne plus modérée, on retrouve Témoignage chrétien, hebdomadaire catholique de gauche crée en 1941 pendant l’Occupation. Enfin, de par son audience considérable en France comme à l’étranger, Le Monde, se distingue par un ton plus mesuré mais tout aussi engagé. Il dépasse les 200 000 exemplaires vendus en 1957. Il devient rapidement la cible des gouvernements successifs de la IVe République dans la mesure où il touche une audience plus élitiste et étendue que les autres journaux. De surcroît, d’autres titres s’engagent dans la contestation de cette guerre comme l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné ou encore La Croix, qui voient leurs ventes augmenter pendant ces années de guerre. Parmi les grands combats de ces journaux un fait figure d’exemple la question de la torture. Une ordonnance de Robert Lacoste, ministre résident et gouverneur général de l’Algérie, en date du 7 janvier 1957 confie au général Massu les pleins pouvoirs de police afin d’enrayer le terrorisme dans la zone d’Alger. Cela permet à Massu de contrôler près de 800 000 habitants avec ses 6 000 parachutistes. Afin de parvenir à l’extorsion de renseignements chez les suspects, ses hommes recourent à plusieurs méthodes dont la torture. Dès 1955, la question de l’utilisation de la torture par l’armée française se fait connaître du grand public notamment à travers l’article fondateur de François Mauriac dans L’Express daté du 15 janvier 1955. Dans La Question », il rapporte un témoignage sous la forme d’un dialogue. Il se prend à répondre à la question suivante La torture peut-elle être considérée comme un mal nécessaire à la lutte contre le terrorisme ? À la suite de ce premier article, les témoignages vont se succéder dans les années suivantes. La question de la torture émeut l’opinion française et internationale. En mars 1957, le général Jacques Pâris de Bollardière demande à être relevé de son commandement ne cautionnant pas l’usage de la torture. Comme lui, certains vont jusqu’à oser aller à l’encontre des devoirs du soldat. Ce général représente l’archétype du refus. Selon l’historien Jean-Charles Jauffret, c’est sa conscience d’officier chrétien mais aussi d’ancien de la France libre qui l’empêche de tolérer tout emploi de la torture. Le journal L’Express publie le 27 mars une lettre du général à Jean-Jacques Servan-Schreiber, alors inculpé d’atteinte au moral de l’armée à cause de certains articles dénonciateurs Je pense qu’il était hautement souhaitable … que vous fassiez votre métier de journaliste en soulignant à l’opinion publique les aspects dramatiques de la guerre révolutionnaire à laquelle nous faisions face, et l’effroyable danger qu’il y aurait pour nous à perdre de vue, sous le prétexte fallacieux de l’efficacité immédiate, les valeurs morales qui seules ont fait jusqu’à maintenant la grandeur de notre civilisation et de notre armée. » La levée du voile sur la torture ouvre la voie à nombre de témoignages. Ils se multiplient dans la presse en 1957. Face à cette déferlante d’articles à propos de la torture qui sont autant d’actes d’engagement dans le conflit algérien, le gouvernement fait le choix de saisir ces journaux. En effet, l’état français ne se reconnaît pas officiellement en guerre et ne peut donc user de la censure, sauf dans le cas de l’état d’urgence. Avouer que la France était en guerre contre l’Algérie aurait été reconnaître un conflit entre deux peuples. Ainsi, le pouvoir utilisait la saisie des journaux pour empêcher que certains articles ou dossiers ne soient publiés. La technique de saisies des journaux se révèle peu efficace et donne même l’effet contraire. Michel Winock nous dit que les deux objectifs des saisies sont à la fois d’intimider les journalistes mais aussi d’atteindre les finances du journal. Dans le cas de la guerre du pouvoir contre l’hebdomadaire L’Express, les saisies offrent même une plus grande visibilité au journal. Le journal La Croix, en Algérie, a été saisi 40 fois de 1957 à 1960. Les journaux qui osent parler de la torture sont ainsi systématiquement saisis. Côté littérature, nous pourrions citer le pamphlet de l’écrivain et critique littéraire Pierre-Henri Simon, Contre la torture, publié au Seuil en 1957, qui lui vaut des poursuites par le gouvernement français. Cependant, il est un témoignage qui marque particulièrement les consciences, celui d’Henri Alleg. Ce Français d’Algérie alors membre du Parti communiste français fait publier aux éditions de Minuit, La Question, en 1958. Dans ce livre autobiographique, il raconte sa séquestration à El-Biar par la 10e division parachutiste et la torture qu’il y subit. À partir de son propre témoignage, il ouvre son propos sur la dénonciation de la torture des civils pendant la guerre d’Algérie. Dès sa publication, l’ouvrage est immédiatement censuré. L’éditeur Nils Andersson le réédite en Suisse. Ce livre a un grand impact puisqu’il contribue à révéler le phénomène de la torture et surtout à montrer qu’elle ne touche pas que les rebelles algériens, mais aussi des civils français. Affiche annonçant la sortie du livre La Question d’Henri Alleg en 1958. Keystone-France. En plus des témoignages sur la torture qui sont les sources premières pour dénoncer ce phénomène, d’autres intellectuels s’attèlent à la dénoncer par l’intermédiaire de travaux universitaires. Pierre Vidal-Naquet réalise tout un travail d’historien à partir de 1957 pour défendre la thèse de l’assassinat du militant communiste Maurice Audin par l’armée française en Algérie. La thèse officielle maintient alors que Maurice Audin a disparu suite à une évasion. Ce travail historique réalisé à l’initiative du comité Audin, permet de rendre justice et surtout de faire la lumière sur cette affaire. La question de la torture constitue l’un des principaux combats des intellectuels. L’existence de ce phénomène et d’autres exactions commises par l’armée française contribuent à renforcer la position de beaucoup d’intellectuels en faveur d’une indépendance algérienne. Notons toutefois que la méthode de la torture a aussi été utilisée par l’ALN/FLN et qu’elle n’est pas l’apanage de l’armée française. Les intellectuels Colette et Francis Jeanson affirment leur position en faveur des combattants algériens dès 1955 dans L’Algérie hors la loi. Et même à droite de l’échiquier politique, Raymond Aron argumente en 1957 dans son livre La Tragédie algérienne sur le caractère inévitable de cette indépendance. 1958-1962 l’acmé de l’engagement du monde journalistique et littéraire dans la guerre d’Algérie Le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 amorce un changement fondamental dans le conflit algérien. C’est en partie la presse qui a contribué à son retour. L’Express à travers la plume de François Mauriac et Hubert Beuve-Méry dans Le Monde soutiennent le retour de De Gaulle au pouvoir. Charles de Gaulle revient à la tête de l’État en tant que dernier Président du Conseil de la IVe République. L’avènement d’une nouvelle constitution et d’une nouvelle République favorisent une refonte des médias. La radio et la télévision deviennent les instruments de la nouvelle politique gaullienne au détriment de la presse. Michel Winock défend dans son article l’idée que les médias audiovisuels ont épousé l’évolution de sa politique. La propagande médiatique soutient dorénavant l’évolution du statut de l’Algérie au détriment de la revendication du maintien de la France sur le territoire algérien. Le 16 septembre 1958, le Président donne une allocution radiotélévisée dans laquelle il soumet l’idée d’un droit des Algériens à l’autodétermination » remettant totalement en cause son discours du 4 septembre 1958. Il propose ainsi trois options la sécession, la francisation ou l’association. Les partisans d’une Algérie française qui pensaient que De Gaulle était de leur côté, se sentent trahis. Ce discours annonce un tournant majeur dans la politique gaullienne. Dans ce contexte, la presse se divise. D’un côté, on retrouve les journaux pro-Algérie française comme l’Aurore et le Parisien libéré mais aussi les hebdomadaires d’extrême-droite comme Aspects de la France, L’Homme nouveau et Rivarol. De l’autre, Le Figaro, France-Soir ou Paris Match suivent la politique du gouvernement et l’idée d’une Algérie algérienne. Enfin, la presse d’opposition de gauche se maintient dans son soutien à l’indépendance de l’Algérie et se caractérise de plus en plus fortement par un antigaullisme marqué. Les intellectuels français réaffirment aussi leur soutien à la cause indépendantiste algérienne comme Francis Jeanson dans Notre guerre en 1960. L’ouvrage est publié aux éditions de Minuit, qui rappellent dans un avant-propos Vivant sous un régime qui se prévaut de respecter les libertés essentielles des Français, nous sommes heureux d’aider ici un de nos compatriotes à user de la première d’entre elles, la liberté d’expression. » À cette même période, la presse acquiert une nouvelle indépendance grâce à la loi du 10 janvier 1957 qui établit un statut particulier de l’Agence France-Presse. Dans son conseil d’administration, le gouvernement est mis en minorité ce qui lui permet d’avoir une plus grande liberté. Ceci contraste avec la télévision et la radio qui restent des instruments de la politique gouvernementale. Nonobstant, dans l’enquête La République du silence » dans Le Monde du 28 avril au 2 mai 1960, Pierre Viansson-Ponté écrit que la dégradation des libertés publiques se poursuit insensiblement et menace la liberté de la presse ». En effet, au début des années 60, la liberté de la presse reste menacée. Nombre de journaux sont alors interdits en Algérie. De 1960 à 1962, la guerre d’Algérie s’intensifie et entre dans sa phase finale. Le 19 janvier 1960, le général Massu est limogé et muté en métropole. Suite à cela, des activistes menés par Pierre Lagaillarde, avocat et député d’Alger, manifestent dans les rues d’Alger. Le premier jour, des affrontements entre les gendarmes et les activistes mènent à la mort d’une vingtaine de personnes et de plus d’une centaine de blessés. Du 24 janvier au 1er février, le quartier des Facultés à Alger est érigé en barricades. La perspective de l’autodétermination pousse les Français d’Algérie à manifester en faveur d’une Algérie française. Au début mars 1960, le général de Gaulle renouvelle les négociations avec les indépendantistes algériens. Des négociations s’ouvrent ensuite à Melun en juin 1960 entre les membres du GPRA Gouvernement provisoire de la République algérienne et le gouvernement français. Elles n’aboutissent pas. Des manifestations éclatent dans plusieurs villes d’Algérie en décembre 1960 en faveur de l’indépendance algérienne. En soutien au FLN et au GPRA, elles sont particulièrement présentes dans les quartiers populaires d’Alger, démontrant que le sentiment nationaliste reste fort parmi la population algérienne. Le 8 janvier 1961, les Français approuvent par référendum l’autodétermination du peuple algérien à 75 %. C’est une occasion pour De Gaulle d’affirmer sa légitimité en tant que chef de l’État. Dans ce contexte, Pierre Lagaillarde fuit à Madrid et fonde l’OAS Organisation de l’Armée Secrète le 11 février 1961 aux côtés de Jean-Jacques Susini, le général Raoul Salan et Joseph Ortiz. Cette organisation prône le maintien de l’Algérie dans le giron français au travers d’actes terroristes. Cette organisation s’attaque notamment aux journaux en organisant une série de plastiquages contre les immeubles des publications. Le Figaro en est la cible le 25 février 1962, soutenant l’indépendance de l’Algérie et se mettant ainsi à dos une partie de son lectorat. Par là même, la presse d’opposition devient celle qui défend l’Algérie française et justifie les actions de l’OAS. En réaction à la politique du général, les généraux Challe, Jouhaud, Salan et Zeller tentent de s’emparer du pouvoir par un putsch à Alger dans la nuit du 21 au 22 avril 1961. À la suite de cela, le Président de la République réinstitue l’état d’urgence par l’article 16 de la Constitution. Dans un dernier sursaut, la guerre s’étend jusqu’à la métropole. Compte tenu de l’escalade des attentats perpétrés par le FLN, un couvre-feu est instauré à Paris et en région parisienne pour les travailleurs algériens de 20h30 à 5h30 du matin par le préfet de police Maurice Papon. Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers de travailleurs algériens musulmans manifestent pacifiquement contre ce couvre-feu. La manifestation est organisée par la Fédération de France du FLN. Le convoi de manifestants se déplace dans les rues parisiennes. À un moment donné, la police ouvre le feu sous ordre du préfet de Paris. La répression est violente. Certains manifestants sont jetés dans la Seine. On dénombre une dizaine de morts. La presse de droite reste silencieuse sur ces actes. En réalité, peu de journaux ont le courage de dénoncer les violences policières. La réalité est minimisée voire occultée par la grande presse. La presse de gauche, elle, dénonce les violences policières mais n’évoque que peu les victimes. Seule L’Humanité du 18 octobre 1961 dénonce les faits tout en rappelant que le journal ne peut tout dire à cause de la censure gaulliste. En Algérie, les barbouzes », des brigades pour contrer les attentats de l’OAS qui terrorisent l’Algérie, sont mises en place. Une manifestation est organisée le 8 février 1962 en métropole contre les exactions de l’OAS. La répression policière fait 8 morts au métro Charonne. Finalement, à partir du 7 mars s’ouvrent les négociations d’Évian qui aboutissent à la signature des accords le 18 mars 1962. Les accords d’Évian établissent un accord de cessez-le-feu le 19 mars à 12h et organisent un programme commun qui sera soumis à référendum. Dans les faits, les combats continuent. Le quartier de Bab-el-Oued, bastion de l’OAS, est le théâtre d’affrontements avec l’armée. Le 26 mars 1962, 80 manifestants favorables à l’Algérie française trouvent la mort lors de la fusillade de la rue d’Isly. Les accords sont approuvés par référendum à 90 % des voix en métropole le 8 avril et à 99 % en Algérie le 1er juillet. Le 3 juillet 1962, le général de Gaulle reconnaît l’indépendance de l’Algérie. L’indépendance est proclamée le 5 juillet 1962, après huit ans d’un conflit meurtrier et sanglant. L’expression de la presse et de la littérature dans la guerre d’Algérie est très contrastée. D’un côté, la volonté de contrôle des médias par le pouvoir affaiblit la liberté de la presse. Les journaux et livres d’opposition sont saisis et censurés. Les derniers gouvernements de la IVe République abusent des saisies et ce phénomène se répète dans les prémices de la nouvelle République. D’un autre côté, les guerres sont des moments d’engagements politiques importants et la guerre d’Algérie a favorisé l’écriture d’articles dénonciateurs, la publication de livres accusateurs ou encore le développement d’une presse clandestine comme le journal Vérité-Liberté crée en 1960. Une dissonance subsiste entre la constante menace de la liberté d’expression et l’essor d’une presse et d’une littérature plus engagées. La guerre d’Algérie est ainsi aussi une guerre des idées. Le rôle des intellectuels s’y dessine. Ils sont à la fois journalistes et écrivains. Pour s’exprimer au mieux dans le débat public, ils recourent autant à la presse qu’à la littérature, favorisant par là même leur renaissance. Si vous avez aimé cet article, nous vous conseillons également Selon des archives déclassifiées publiées lundi par Mediapart, le massacre du 17 octobre 1961 de plusieurs dizaines d'Algériens avait été rapporté au chef de l'État, Charles de Gaulle. Le président de la République avait alors fait part de son indignation et souhaité faire la lumière, tout en maintenant en poste le préfet Maurice Papon et les ministres responsables. Soixante ans après les faits, des archives publiées lundi 6 juin par le site Mediapart éclairent sous un nouveau jour le massacre du 17 octobre 1961 et les connaissances du chef de l'État de l'époque, Charles de Gaulle, à ce que la guerre d'Algérie touchait à sa fin, une manifestation de Français musulmans d'Algérie FMA avait été violemment réprimée à Paris. Pendant plusieurs décennies, le bilan officiel a été de trois morts. Aujourd'hui, il est établi à au moins 48 morts pour cette seule nuit d'octobre, même si pour nombre d'historiens, il dépasse largement la centaine."Grâce à des ouvertures toutes récentes, bien que partielles, des archives sur la guerre d'Algérie, on a pu avoir accès à un certain nombres de documents issus de la présidence De Gaulle, qui montre que le chef de l'État de l'époque a tout su, et très vite, du crime, c'est-à-dire de la participation de la police dans ce qu'on peut appeler un crime d'État et de l'ampleur de la tragédie", explique le journaliste de Mediapart Fabrice Arfi, invité sur l'antenne de France 24.>> À relire, notre webdocumentaire 17 octobre 1961, un massacre d'Algériens au cœur de ParisDans les archives déclassifiées, Mediapart a ainsi retrouvé une note datée du 28 octobre 1961, rédigée par le conseiller du général de Gaulle pour les affaires algériennes, Bernard Tricot. Il indique au président de la République qu'"il y aurait 54 morts". "Les uns auraient été noyés, les autres étranglés, d'autres encore abattus par balles. Les instructions judiciaires ont été ouvertes. Il est malheureusement probable que ces enquêtes pourront aboutir à mettre en cause certains fonctionnaires de police", explique le haut une seconde note, datée du 6 novembre 1961, Bernard Tricot expose à Charles de Gaulle une "question d'ordre gouvernemental" "savoir si on se bornera à laisser les affaires suivre leur cours, auquel cas il est probable qu'elles s'enliseront, ou si le ministre de la Justice [Bernard Chenot, NDLR] ainsi que le ministre de l'Intérieur [Roger Frey, NDLR] doivent faire savoir aux magistrats et officiers de la police judiciaire compétente que le gouvernement tient à ce que la lumière soit faite". Le conseiller du général de Gaulle poursuit "Il importe beaucoup, semble-t-il, que le gouvernement prenne dans cette affaire une position qui, tout en cherchant à éviter le plus possible le scandale, montre à tous les intéressés que certaines choses ne doivent pas être faites et qu'on ne les laisse pas faire"."Le crime restera à jamais impuni"La note, retrouvée aux Archives nationales après sa déclassification en décembre dernier, porte la réponse manuscrite du général de Gaulle "il faut faire la lumière et poursuivre les coupables" et "il faut que le ministre de l'Intérieur prenne vis-à-vis de la police une attitude d''autorité', qu'il ne prend pas". Pour Fabrice Arfi, cette note "montre que le président de la République de l'époque a demandé à ce qu'on poursuive les coupables et que la lumière soit faite, allant même jusqu'à sermonner son ministre de l'Intérieur qui, selon le général de Gaulle, ne faisait pas preuve assez d'autorité vis-à-vis des dérives de la police"."Pourtant il ne se passera rien, le crime restera à jamais impuni", précise le journaliste. Aucune procédure à l'encontre de policiers n'a ainsi été lancée. Les ministres de l'Intérieur et de la Justice ont été confirmés dans leurs fonctions, de même que Maurice Papon, qui a toujours nié quelque violence policière. Ce dernier a été condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l'humanité, mais pour son rôle dans la déportation de juifs entre 1942 et si le général de Gaulle ne s'est jamais expliqué sur ce point, Fabrice Arfi estime, d'après les historiens qu'il a consulté, que le président "était en réalité relativement politiquement faible au sein de sa propre majorité, notamment face à un Premier ministre, Michel Debré, à qui il devait beaucoup pour son retour en 1958 en politique et qui incarnait une ligne très dure sur la question algérienne".Reconnaître un "crime d'État"À l'occasion d'une cérémonie pour le 60e anniversaire du massacre, la présidence française a reconnu en octobre 2021 pour la première fois que "près de 12 000 Algériens furent arrêtés et transférés dans des centres de tri au stade de Coubertin, au Palais des sports et dans d'autres lieux. Outre de nombreux blessés, plusieurs dizaines furent tués, leurs corps jetés dans la Seine". Emmanuel Macron avait dénoncé, dans un communiqué, des "crimes inexcusables" commis "sous l'autorité de Maurice Papon".Mais les manifestants, témoins du drame, familles de victimes, associations ou encore historiens réclament encore la reconnaissance d'un "crime raciste" et d'un "crime d'État". Présente le 17 octobre 1961, Djamila Amrane se bat depuis des années pour que ce massacre "entre dans l'Histoire de France". "Cela ne s'est pas passé à Alger, cela s'est passé à Paris", insiste-t-elle auprès de France 24. "Il faut que la France reconnaisse qu'il y a eu un massacre sur des gens qui manifestaient pacifiquement."Malgré tout, elle note que la mise en lumière de cet épisode sombre s'est améliorée et elle se félicite de la découverte de ces nouvelles archives. "L'an dernier, pour la première fois, un préfet et un président sont allés sur les quais de Seine pour l'anniversaire. Cela commence à se savoir que ces personnes ont été massacrées et que pour certaines on ne s'est même pas ce qu'elles sont devenues. Cela ne peut pas rester dans l'oubli".Avec AFP par Gilles Manceron et Fabrice RiceputiUn recours a été déposé au Conseil d’Etat le 23 septembre 2020 pour qu’il abroge un texte réglementaire qui contredit la loi en entravant l’accès aux archives, notamment des guerres d’Indochine et d’Algérie. Le 15 novembre 2020, le gouvernement, en contradiction avec les promesses faites par le président de la République en septembre 2018, a publié un arrêté qui confirme ces entraves. L’Association des archivistes français, celle des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche et l’Association Josette et Maurice Audin, qui ont été à l’origine de ce recours, vont en introduire un 27 mars 2020, une rencontre devait présenter un guide des archives sur les disparus de la guerre d’Algérie résultant des promesses présidentielles. Reportée au 4 décembre en visioconférence, tout indique qu'elle a été l’objet d’une reprise en main par le gouvernement. Elle devrait être l’occasion pour les archivistes et historiens d’exprimer leur protestation contre ces 13 septembre 2018 le président de la République, Emmanuel Macron, a publié une déclaration qu’il a remise personnellement à Josette Audin, la veuve de Maurice Audin assassiné en 1957 durant la guerre d'Algérie par des militaires français qui le détenaient, reconnaissant la responsabilité de l’État dans ce crime. Et aussi l’existence d’un système ayant produit beaucoup d’autres disparitions a également annoncé l’ouverture des archives sur tous les disparus de la guerre d’Algérie aussi le travail de mémoire ne s’achève-t-il pas avec cette déclaration. Cette déclaration visait notamment à encourager le travail historique sur tous les disparus de la guerre d’Algérie, français et algériens, civils et militaires. Une dérogation générale, dont les contours seront précisés par arrêtés ministériels après identification des sources disponibles, ouvrira à la libre consultation tous les fonds d’archives de l’État qui concernent ce sujet. »Dès le lendemain de cette déclaration, le site a été créé pour documenter les milliers d’autres disparitions d’Algériens qui ont eu lieu pendant la grande répression qu’on a appelé la Bataille d’Alger ». La journée d’étude le 20 septembre 2019 à l’Assemblée nationale sur Les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises vérité et justice », dont les débats ont été filmés et dont les Actes ont été publiés en ligne, a souligné l’urgence de cette ouverture des archives. Deux années plus tard, ce n’est toujours pas le même un phénomène inverse s’est produit. A partir de décembre 2019, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale SGDSN, un organisme assez opaque dépendant de Matignon, a exigé des archivistes une application pointilleuse de l’article 63 d’une instruction générale interministérielle l’IGI 1300 » qui prétend réglementer la communication aux lecteurs des pièces d’archives classifiées ».Ce texte ministériel de décembre 2011, datant de la fin de la présidence de Nicolas Sarkozy et qui n’était souvent pas appliqué à la lettre car il rendait impossible les recherches, a interdit la consultation de documents frappés du tampon secret-défense », bien que la loi dispose qu’ils sont communicables de plein droit » s’ils remontent à plus de cinquante ans. En décembre 2019, un décret gouvernemental a imposé aux archivistes la déclassification préalable » obligatoire des documents tamponnés sous peine de lourdes riposte des historiens et des archivistesIndignation aussitôt des historiens dont certaines recherches étaient rendues, de fait, impossibles. Et aussi des archivistes obligés de faire un tri préalable et de demander, avant de communiquer ceux pourvus de tampons, une déclassification » à l’institution émettrice, c’est-à-dire le plus souvent à l’armée. Ce processus très lourd de déclassification » - car toutes les unités apposaient abondamment sur leurs documents des tampons secret » - a entrainé le recrutement par le ministère des Armées des centaines de personnels supplémentaires pour opérer ce travail coûteux et inutile au regard de la le dépôt, le 23 septembre 2020, par l’Association des archivistes français AAF, celle des historiens contemporanéistes de l’enseignement supérieur et de la recherche AHCESR et l’Association Josette et Maurice Audin, d’une requête au Conseil d’Etat lui demandant de mettre fin à cette situation illégale et absurde. Un film, Après l’affaire Audin. Les disparus et les archives de la guerre d’Algérie » a été réalisé par François Demerliac pour retracer le contexte et le déroulement de leur question est remontée jusqu’au président de la République puisque lors de sa conférence de presse, le 2 octobre, aux Mureaux, il a déclaré j’ai été saisi par plusieurs historiens des difficultés qu’ils rencontraient pour l’accès aux archives et donc j’ai demandé que des clarifications me soient apportées, et, dans les prochaines semaines, je répondrai à ces clarifications qui me sont demandées par plusieurs historiens 1 ». Et, lors de la cérémonie du 11 novembre au Panthéon, un dialogue a été enregistré involontairement par France télévision entre Emmanuel Macron et Jean-Noël Jeanneney, auquel le chef de l’état-major particulier du président de la République, l’amiral Rolland, a été associé, qui a donné l’impression que le président était prêt à entendre les historiens et à renouer avec ses promesses de septembre 2018 2.Le passage en force » du gouvernement de Jean CastexMais c’est le contraire qui est indique que le gouvernement a voulu passer en force », poussé par certains responsables de l’armée qui n’ont pas accepté la déclaration présidentielle de septembre 2018 et ont voulu, en la matière, imposer leur volonté aux autorités civiles du ministère de la Culture et des Archives peut-être aussi par la Secrétaire générale du gouvernement qui était précédemment à la tête du SGDSN. Le 1er novembre, au journal de 20 heures de TF1, le premier ministre, Jean Castex, s’est distingué nettement des propos tenus à plusieurs reprises par le président de la République sur le passé colonial de la France Je veux dénoncer toutes les compromissions qu’il y a eues pendant trop d’années, […] nous devrions nous autoflageller, regretter la colonisation, je ne sais quoi encore » — déclaration dont s’est démarquée publiquement la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, qui s’est déclarée plus proche sur ce sujet du président de la République 3.Et le 15 novembre 2020, un arrêté ministériel est paru qui a confirmé le principe d’une obligation de déclassification préalable » pour les documents tamponnés secret » pourtant légalement consultables, un arrêté annoncé depuis plusieurs mois mais dont on pouvait espérer que le dépôt du recours au Conseil d’Etat avait dissuadé le gouvernement de publier. Arrêté qui a été immédiatement repris par un certain nombre de sites de l’armée et critiqué par le compte Twitter Archives ça débloque ! » du collectif qui a lancé cette arrêté prolonge l’IGI 1300 avec quelques amendements. Il place à 1934 dans la nouvelle IGI la date d’ouverture des archives alors que la loi et le code du patrimoine disposent que celles de plus de 50 ans sont librement communicables - soit, en 2020, toutes celles antérieures à date de 1934 introduite par cet arrêté dans l’IGI 1300 représente même un recul par rapport à ce qui se pratiquait, par exemple, depuis le début de l’année 2020 au Service historique de la défense 4. Par ailleurs, aucun délai de réponse n’encadre l’éventuelle déclassification » d’archives demandées par un lecteur. Et cet arrêté permet même que des documents qui n’avaient pas été tamponnés secret » pourront être classifiés » a posteriori ! C’est un renforcement honteux du règne de l’ ministériel du 15 novembre 2020 va faire l’objet de la part des trois mêmes associations d’une nouvelle requête au Conseil d’Etat, qui sera jointe par lui à celle déposée le 23 septembre. Elle demandera clairement que soit retiré de cette IGI tout ce qui conduit à imposer une procédure de déclassification » de documents d’archives publiques communicables de plein nombreux soutiens dans le mondeCette mobilisation reçoit un vif soutien des historiens et archivistes et de journaux d’autres pays. Le Conseil international des archives AIC, organisme rattaché à l’Unesco, leur a apporté son appui. Dans son ouvrage Archives and Human Rights qui paraîtra en Grande Bretagne chez l’éditeur Rootledge en mars 2021, l’AIC a souhaité faire figurer un texte des historiens français Gilles Manceron et Gilles Morin, France - La demande de rendre accessibles les archives des guerres coloniales et en particulier de la guerre d’Algérie », qui explique les mécanismes qui font actuellement obstacle en France à l’accès à ces nombreux autres soutiens ont été exprimés à l’étranger, en particulier dans la presse algérienne. Aux Etats-Unis, l’importante American Historical Association soutient cette mobilisation des historiens et archivistes français et appuie leurs recours introduits devant le Conseil d’ questions écrites ou orales ont déjà été posées au Premier ministre par des députés et des sénateurs et de nouvelles vont l’être prochainement par d’autres. Des rencontres des associations requérantes sont prévues avec la Commission des affaires culturelles du Sénat et avec la ministre de la Culture, dont dépendent les services publics d’archives - c’est du moins ce que prévoit la République, même si certains responsables de l’armée voudraient se substituer dans ce domaine à ceux de la occasion, le 4 décembre, d’interpeler le gouvernementPar ailleurs, en mars 2020, un guide sur les disparus de la guerre d’Algérie dans les archives publiques françaises a été mis en ligne sur le site de France-Archives grâce à un travail important dans un délai très court d’archivistes des Archives nationales. Mais près de 90% des références d’archives indiquées n’ouvrent sur aucun inventaire de fonds d’archives des Archives nationales, mais seulement sur l’information document non trouvé ».Ce guide a été réalisé dans l’urgence par des archivistes non spécialistes de la période et sans qu’il soit fait appel à des historiens spécialistes. Le résultat n’est pas à la mesure des besoins. Dans son état actuel, ce guide est inexploitable. La présentation a été traduite en anglais et en arabe, mais la liste des fonds et les liens vers les inventaires en ligne sont exclusivement en français. Par ailleurs, sans la création d’une cellule administrative d’accueil des familles d’Algériens souhaitant, suite à la déclaration du Président de la République de septembre 2018, faire des recherches sur leurs proches disparus durant la guerre d’Algérie, celles-ci ne pourront trouver aucun renseignement à leur sujet avec le seul secours de ce peu d’archivistes seront en mesure de les renseigner dans la langue qu’ils maitrisent. Par exemple, comme l’a expliqué la responsable des Archives nationales d’outre-mer ANOM lors du Forum sur La transparence des archives » organisé en février 2019 à Saint-Etienne par l’AAF, aucun des archivistes des ANOM n’est l’a écrit Raphaëlle Branche, La montagne a accouché d’une souris. […] Là où il aurait fallu ouvrir largement les portes, on entrouvre certaines fenêtres, tandis qu’y sont ajoutés les barreaux d’une déclassification jugée opportunément nécessaire après des décennies de pratiques pourtant différentes 5 »Une journée destinée à présenter ce guide et à débattre des disparus de la guerre d’Algérie était prévue le 27 mars 2020 sous l’égide du ministère de la Culture et des Archives nationales. Elle a dû être reportée en raison du contexte sanitaire. Et elle s’est transformée en une rencontre en visioconférence, le 4 décembre 2020, placée cette fois sous l’égide du le service gouvernemental du SIAF Service interministériel des archives de France qui doit l’organiser. Notons cependant que son sous-directeur, Jean-Charles Bédague, qui en a aussitôt, comme l’exige sa fonction, exposé le contenu aux archivistes, a ajouté que le recours déposé par un collectif d’historiens, d’archivistes et de juristes auprès du Conseil d’État pourrait changer la donne… 6. Ont disparu de son programme les logos du ministère de la Culture, des Archives nationales et autres centres d’archives publiques, ainsi que celui de la Mairie de Paris, qui figuraient sur le précédent. Et le programme de cette journée ne figure pas à ce jour sur le site des Archives et historiens s’exprimeront néanmoinsCertains des intervenants inscrits au programme de cette rencontre vont dire leur opposition à ces entraves, contraires à la loi, dressées à la consultation des archives et affirmer leur soutien aux recours déposés devant la Conseil d’Etat. Bien que les temps de débats aient été réduits à la portion congrue trois fois un quart d’heure sur l’ensemble de la journée, les personnes inscrites à cette rencontre pourront s’exprimer à ce sujet, au moins par écrit via la fonction converser » de la visioconférence.Inscription obligatoire insuffisances du guide seront pointées. Des usagers des archives auront préparé leurs questions. Certains demanderont ce que ces manœuvres administratives qui empêchent l’application de la loi essayent de dissimuler. L’ouverture de l’ensemble des archives de la guerre d’Algérie sera demandée, puisque la loi dispose que les archives de plus de 50 ans, c’est-à-dire antérieures à 1970, sont consultables de plein droit » à tous ceux qui veulent connaitre des documents qui appartiennent aux archives de la leur ouverture générale - puisque les traces des disparitions forcées de cette guerre, quand elles existent, sont dispersées dans de multiples fonds - permettra, dans la mesure du possible, parmi d’autres disparitions, de documenter celles des nombreux civils algériens qui en ont été victimes lors de la Bataille d’Alger » mais aussi tout au long de la le souhait émis par le président de la République le 13 septembre 2018 lors de sa visite à Josette SOUTENIR LE RECOURS DEPOSE SIGNER ET FAIRE CIRCULER LA PETITION qui a dépassé en quelques mois plus de dix-sept mille signaturesLe lien vers le compte Twitter Archives ça débloque ! » du collectif qui a lancé cette pétitionLe programme de la rencontre en visioconférence du 4 décembre1 Conférence de presse, le 2 octobre 2020, aux Mureaux, de à Voir l’enregistrement de la cérémonie. L’échange se trouve à 1h26 et 20 sec, le son est difficilement audible mais Emmanuel Macron y évoque de toute évidence la question des archives classifiées et termine en disant Il faut changer un texte ». — Jean-Noël Jeanneney un texte qui contredit une loi, c’est étrange… » Et on a l’impression qu’à la fin, l’amiral Rolland évoque une proposition qui va réconcilier… ». L’amiral Rolland est le chef de l’état-major particulier du président de la République depuis le 1ᵉʳ août 2020.3 Interrogée à ce sujet le 2 novembre sur LCI, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a pris ses distances avec les déclarations du chef du gouvernement Je ne vais pas commenter cette phrase. Je me réfère à la phrase qu’a eue Emmanuel Macron sur la colonisation, et que je partage ».4 En janvier 2020, lorsque le Service historique de la défense a commencé à appliquer l’IGI-1300, seuls les documents postérieurs à 1940 devaient être déclassifiés » avant communication.5 Raphaëlle Branche, Un guide sur les disparus de la guerre d’Algérie dans les archives publiques françaises », 20 & 21. Revue d’histoire, 2020/3, n° 147, pages 138-139.6 Le message de Jean-Charles Bédague, sous-directeur de la communication et de la valorisation des archives au Service interministériel des Archives de France, publié le 16 novembre sur la liste de diffusion du SIAF, mentionne à la fin La publication de cette nouvelle IGI 1300 intervient alors qu’un collectif d’historiens, d’archivistes et de juristes vient de déposer un recours auprès du Conseil d’État visant à abroger les dispositions de ce texte considérées par eux comme illégales en ce qu’elles violent la loi, en l’occurrence les dispositions des articles L. 213-1 et L. 213-2 du code du patrimoine. L’arrêt qui sera rendu par la plus haute juridiction administrative ne manquera pas de nourrir la lecture qui doit être faite de l’articulation des textes encadrant le secret de la défense nationale. » L’Algérie, d’après l’Atlas de l’Annuaire diplomatique et consulaire de la République française pour 1924 et promulgation, le 24 octobre 1870, du décret Crémieux qui naturalise » les indigènes israélites », ou plutôt les reconnaît collectivement comme citoyens, constitue une date clé dans l’histoire des Juifs d’Algérie, et plus largement dans celle de la colonisation française, tant il a pesé sur les discours et les pratiques des autorités coloniales françaises vis-à-vis de la population musulmane. Pourtant cinq ans plus tôt, en 1865, le sénatus-consulte du 14 juillet avait traité conjointement du sort des indigènes », musulmans ou juifs algériens, au regard de la nationalité française musulmans et juifs étaient français, la sujétion ottomane ayant été supprimée avec la conquête et l’annexion, mais ils ne jouissaient pas des droits des citoyens français car ils avaient un statut juridique personnel spécifique, d’origine religieuse. Pour devenir pleinement citoyens, précise le sénatus-consulte, ils doivent en faire la demande, se plier, comme les étrangers, à une procédure de naturalisation dont l’attribution demeure une prérogative de l’État. C’est l’échec de cette procédure de naturalisation qui explique la nécessité d’une mesure plus radicale comme le décret de 1870. 2Forte de ce constat, l’historiographie s’est peu intéressée aux candidats juifs à cette procédure dans la mesure où le décret Crémieux semble l’avoir rendue caduque en intégrant collectivement les Juifs algériens dans la citoyenneté française. Cependant, la définition des bénéficiaires du décret de 1870, précisée en 1871, est assez restrictive et n’inclut ni les Juifs des territoires conquis après 1870 ni, plus nombreux encore, les immigrés juifs, marocains ou tunisiens, qui se saisissent de façon assez importante de ce dispositif juridique. Par là même, l’étude des naturalisations des Juifs d’Algérie se révèle être une entrée originale et particulièrement riche pour donner à voir dans sa diversité la population juive algérienne sous la enquête malaisée3À quelles sources étudier les naturalisations des Juifs algériens ? Il n’existe pas, dans les archives ou dans des répertoires administratifs, de listes des naturalisés spécifiquement algériens tenues par les autorités coloniales françaises [1]. D’ailleurs, aux Archives nationales, les dossiers de naturalisations des Algériens, musulmans ou juifs, sont rangés au milieu de la multitude de dossiers de naturalisations d’étrangers et ne peuvent être consultés en bloc. 4Il a donc fallu employer une méthode un peu fastidieuse, consistant à recenser et à relever dans le Bulletin officiel du Gouvernement Général de l’Algérie BO, dépouillé intégralement de 1865 à 1919, l’ensemble des noms d’Algériens indigènes musulmans » et juifs non naturalisés, de Marocains et de Tunisiens dans les listes des naturalisés publiées chaque année. Cette source est très riche puisque, outre le nom, sont mentionnés les dates et lieux de naissance, la profession et le lieu de résidence. À ce stade, le statut des naturalisés indigène israélite, indigène musulman, marocain, tunisien, mozabite a pu être déterminé avec assurance, qu’il soit mentionné explicitement ou qu’il puisse être inféré par l’indication du lieu de naissance. Le principal défaut de cette méthode est qu’elle part des naturalisations effectives et non des dépôts de candidature, de sorte qu’on ne peut évaluer le taux de refus ni, plus ennuyeux, l’existence de biais sélectif dans la population des naturalisés par rapport à celle des simples demandeurs. 5En choisissant de se focaliser plus particulièrement sur la population des naturalisés juifs, en particulier sur les Juifs marocains et tunisiens qui sont largement majoritaires dans le groupe des protégés français, la tâche devient plus ardue. J’ai fait le choix de repérer manuellement les Juifs parmi les naturalisés marocains et tunisiens en me fiant uniquement à des considérations onomastiques. Or celles-ci sont parfois incertaines dans la mesure où certains noms de famille sont communs aux deux populations juive et musulmane et où l’usage d’un prénom arabe est également fréquent [2]. En cas de doute, la décision a été prise de retirer le nom de la liste. Ainsi, entre 1865 et 1920, 892 naturalisés juifs ont-ils été repérés, dont 138 indigènes » l’ensemble total de la population juive naturalisée étant bien entendu plus importante puisqu’elle inclut le plus souvent les enfants, voire les épouses des naturalisés, ce qui n’apparaît pas, le plus souvent, dans les décrets [3]. 6En complément, un petit échantillon a été constitué à partir de la base de données afin de procéder à des demandes de consultation de dossiers individuels de naturalisation l’objectif est alors non seulement de repérer les critères d’évaluation des candidatures par les administrations algériennes, mais plus encore d’apprécier la signification des catégories professionnelles mentionnées dans les listes nominatives du naturalisations des Juifs algériens avant le décret Crémieux7Jusqu’au décret de 1870 le statut juridique des Juifs d’Algérie n’est guère différent de celui des musulmans. L’acte de capitulation du 5 juillet 1830 garantit aux habitants de l’Algérie », musulmans ou juifs, le libre culte et le respect de leurs traditions religieuses. En d’autres termes, les Juifs algériens demeurent justiciables des juridictions rabbiniques, suivant le droit mosaïque. En revanche rien n’est précisé, tout d’abord, quant à leur nationalité. Indigènes », les Juifs algériens ne sont plus des sujets ottomans. Sont-ils pour autant des Français ? Les autorités françaises se gardent bien dans un premier temps de le préciser. Bien entendu, cette question se pose tout autant sinon plus pour les musulmans, au nombre de 2 300 000 en 1856, que pour les Juifs algériens, 21 400 à la même date [4]. C’est pour tant autour du cas d’un jeune Juif algérois que la question de la nationalité des indigènes est de nouveau posée. Plus précisément, à l’occasion d’une affaire touchant au privilège accordé aux seuls Français d’exercer certaines professions, en l’occurrence celle d’avocat, la cour d’appel d’Alger prend une décision qui a rencontré un certain écho. 8Élie Léon Enos [5] demande en 1861 son inscription au Conseil de l’Ordre des avocats d’Alger. Celui-ci rejette sa demande dans son arrêté du 28 novembre 1861 au motif qu’il n’est pas Français car n’étant pas né sur le sol de la France ou de parents français » [6]. Enos fait appel et obtient satisfaction par un arrêt du 24 février 1862 confirmé par la Cour de cassation le 15 février 1864. Le texte du jugement est instructif à plus d’un titre pour comprendre les ressorts de la nationalité française en terre coloniale [7]. Il nous donne également un certain nombre d’informations sur le jeune avocat licencié en droit, et donc ayant séjourné en métropole puisque l’École de droit d’Alger n’existe pas encore [8], Enos a été inscrit au tableau de l’Ordre des avocats près la cour impériale de Paris du 12 juillet 1858 au 6 novembre 1861. Se révèle ainsi l’existence d’une petite élite juive algérienne, bachelière et formée en métropole, susceptible de contester, dans les arènes judiciaires ou politiques, les discriminations courantes en Algérie de la part de l’administration coloniale mais aussi du fait d’organisations privées le barreau d’Alger ou de particuliers. 9Pour la première fois de façon aussi tranchée, la cour d’appel d’Alger affirme, en réponse à l’appel d’Enos, que les indigènes d’Algérie ont la qualité de Français en vertu des principes généraux du droit international appliqué aux cas d’annexion. Cependant pour éviter toute confusion et de peur de donner trop de poids et de droits à cette qualité, le jugement précise que les indigènes ne jouissent pas des droits de citoyens français en raison du maintien de leurs lois propres le respect du culte reconnu depuis 1830 Tout en n’étant pas citoyen français, l’indigène musulman ou israélite est Français ». La cour d’appel donne cependant raison à Enos et ordonne sa réinscription sur le tableau de l’Ordre, arguant que la qualité de citoyen n’est pas requise, au contraire de celle de Français, pour exercer la profession d’avocat. 10La décision de 1862 a fait grand bruit parce qu’elle reconnaissait, pour la première fois aussi clairement, la nationalité française des sujets coloniaux, juifs ou musulmans. Sa portée est définitivement entérinée en 1865 avec le sénatus-consulte du 14 juillet qui en reprend les grands principes, en y ajoutant une innovation de taille la possibilité ouverte aux indigènes » d’accéder à la pleine citoyenneté française, moyennant la perte de leur statut personnel. Le statut d’indigène se rapproche donc celui des étrangers, qui sont d’ailleurs sujet de l’article 3 du sénatus-consulte un indigène peut déposer une demande de naturalisation – terme impropre stricto sensu puisqu’il est déjà Français, mais courant pendant toute la période. C’est en raison de cette ouverture que le texte de 1865 a souvent été considéré comme libéral, s’inscrivant dans la politique arabe de Napoléon III [9]. 11Cependant force est de constater que, dans son ensemble, cette poli tique d’assimilation par la naturalisation a été un échec. Seuls 1 730 indigènes » ont été naturalisés entre 1865 et 1919 sur 32 521 naturalisations y compris celles des étrangers européens, surtout au regard des près de 4 900 000 indigènes musulmans » recensés en 1921 [10]. Chez les Juifs algériens également la procédure ne semble pas avoir rencontré un franc succès. Seules 137 naturalisations sont prononcées entre 1865 et 1870 pour près de 34 000 Juifs en 1866 ; parmi elles, celle de Léon-Elie Enos, âgé alors de 34 ans, en compagnie de ses frères Abraham et David, par décret du 6 juillet 1867. Les raisons de cet échec sont certainement multiples. La première, qui s’est imposée aux commentateurs de l’époque comme aux historiens contemporains, est l’attachement des Juifs algériens comme des musulmans à leur statut personnel et aux juridictions religieuses appliquant les préceptes de leur foi. Une deuxième explication est peut-être à trouver dans la réticence des autorités coloniales françaises elles-mêmes, qui ne semblent pas avoir favorisé, ni même informé largement les intéressés sur cette nouvelle procédure. 12Quoi qu’il en soit, à y regarder de plus près, le nombre des naturalisations de Juifs algériens n’est pas totalement négligeable si on le rapporte à celui des naturalisations d’ indigènes musulmans », au nombre de 99 sur la même période pour une population près de quatre-vingts fois supérieure tableau 1.Tableau 1Les naturalisations des sujets et protégés coloniaux entre 1865 et 1919Les naturalisations des sujets et protégés coloniaux entre 1865 et 1919Remarques Ce tableau reprend les indications présentes dans les Bulletins. Le groupe des Marocains contient donc indistinctement des musulmans et des Juifs. Autres » africains », étranger israélite ou musulman autre que marocain ou naturalisés juifs algériens sont répartis sur les trois départements algériens, conformément à la forte implantation urbaine de la communauté juive algérienne 39 vivent à Alger 28 %, 17 à Sétif 12,3 %, 18 à Mascara 13 %, 12 à Mostaganem 8,7 %. L’analyse des occupations des naturalisés est assez délicate à mener, dans la mesure où leurs mentions dans le BO sont imprécises, variables dans l’ensemble du corpus, et donc sujettes à caution. L’étude des dossiers individuels révèle qu’il s’agit des professions déclarées par le candidat à la naturalisation au moment du dépôt du dossier, sans que cette première déclaration ait été vérifiée et recoupée. Les activités déclarées des Juifs naturalisés sont en tout cas variées commerce et négoce occupent la grande majorité des naturalisés, respectivement 18 % et 17 %, les pourcentages s’élevant à 26 % et 25 % si on se limite à la population des Juifs naturalisés pour lesquels l’activité professionnelle est indiquée ; mais on trouve égale ment parmi eux un agent de police, un instituteur, un étudiant, un clerc d’huissier, des propriétaires mais également des artisans spécialisés dans l’orfèvrerie et la bijouterie, ainsi que dans le textile [11]. 14Une activité retient particulièrement notre attention dans la mesure où elle semble spécifique aux Juifs algériens par opposition aux tunisiens ou aux marocains les interprètes, militaires ou judiciaires, constituent 14 % des activités recensées. Cette importance des interprètes dans le corpus analysé peut s’interpréter de deux façons. Tout d’abord elle témoigne de la présence nombreuse des Juifs algériens dans le corps des interprètes, et ce depuis la conquête [12]. Population frontière, intermédiaires naturels entre les Européens et les musulmans, maîtrisant l’arabe, les Juifs sont ainsi recrutés prioritairement pour accompagner les troupes françaises dans les opérations de conquête. Une fois la colonisation établie, ils se recyclent dans les tribunaux comme auxiliaires de justice. Ensuite, par leur position privilégiée aux côtés des différentes autorités françaises, les interprètes sont particulièrement exposés à l’intérêt que peut représenter une naturalisation, ou du moins sont-ils informés de cette possibilité. 15Pour autant les Juifs indigènes ne sont pas les seuls Juifs en Algérie à demander et obtenir leur naturalisation entre 1865 et 1870 des Juifs étrangers, en particulier marocains 163 et tunisiens 21 complètent les naturalisations juives. C’est précisément tout l’intérêt de cette étude des naturalisations que de nous donner à voir cette immigration juive, marocaine et tunisienne, trop souvent négligée dans les travaux sur les populations d’Algérie [13]. 16Le tableau 2 témoigne de l’importance du nombre des immigrés juifs marocains dans les naturalisations prononcées, puisqu’il surpasse celui des naturalisations des Juifs indigènes avant le décret Crémieux. Les Juifs originaires de Tétouan, pour la plupart immigrés dans les années 1860 après les guerres hispano-marocaines, forment d’ailleurs le gros de cette population 104 naturalisés, soit 63 % des Marocains naturalisés. Ils sont installés dans le département d’Oran, à Mascara pour la majorité 41, soit 39,5 % des Tétouanais, ou dans une moindre mesure à Oran 13,4 %, à Saïda 13,4 %, à Mostaganem 8,7 %, à Nemours 8,7 %, à Sidi-Bel-Abbès 8,7 %. Les autres Marocains naturalisés proviennent surtout des villes de la côte marocaine Mogador/Essaouira pour 11 d’entre eux, soit 6,7 % des Marocains naturalisés, mais également Tanger. Autant qu’on puisse en juger sur ce premier échantillon dont les informations sont encore parcellaires [14], la population des immigrés juifs marocains ne semblent pas se distinguer des autochtones par leurs occupations tableau 3Tableau 2Les naturalisations des Juifs d’Algérie entre 1865 et 1919Les naturalisations des Juifs d’Algérie entre 1865 et 1919Tableau 3Activités professionnelles des Juifs d’Algérie naturalisés entre 1866 et 1870Activités professionnelles des Juifs d’Algérie naturalisés entre 1866 et 1870Une réponse à l’échec des naturalisations des indigènes israélites » le décret Crémieux17Dès les débuts de la colonisation de l’Algérie, en accord avec les demandes répétées du Consistoire central des israélites de France, le gouvernement de Louis-Philippe tente de soustraire la minorité juive à l’influence des rabbins algériens jugés fanatiques » et illettrés » par leurs pairs français [15]. C’est ainsi que les ordonnances du 28 février 1841 et du 26 septembre 1842 confient la juridiction des Israélites aux tribunaux français. Une autre ordonnance, celle du 9 novembre 1845, organise le culte communautaire sur le mode métropolitain en créant un Consistoire israélite algérien à Alger et deux consistoires provinciaux, à Oran et à Constantine avec des rabbins métropolitains, parachevant ainsi l’ assimilation » juridique des Juifs algériens. 18Avec la publication du sénatus-consulte en 1865, les libéraux et surtout les Juifs de France tablent sur le fait que les Juifs algériens vont entamer massivement des démarches pour accéder à la citoyenneté française, d’autant que les consistoires les exhortent à le faire [16]. Or nous venons de voir qu’il n’en a rien été. Devant cet échec, plusieurs voix s’élèvent, en France comme en Algérie, pour demander l’attribution collective et autoritaire de la citoyenneté aux Juifs algériens. Ainsi les conseils généraux des trois provinces d’Algérie se prononcent-ils chaque année de 1865 à 1869 en faveur de la publication d’un tel décret [17]. Pour autant il ne faudrait pas croire qu’il y ait unanimité sur la réforme. À la commission de l’Algérie au Sénat, créée par un décret du 7 mai 1869, le premier président de la cour d’Alger Pierrey s’oppose au projet d’accorder la citoyenneté en bloc, mais propose, afin de faciliter les naturalisations individuelles, que les Juifs d’Algérie soient soumis à l’avenir au Code civil [18]. Une telle idée rompt avec la logique du sénatus-consulte, lequel exclut la citoyenneté au nom d’un statut personnel distinct. Elle fait donc long feu, malgré le consensus dont elle bénéficie dans la commission. Mais elle témoigne déjà de l’hostilité, voire de la crainte que suscite, chez les hommes de pouvoir en poste en Algérie, l’extension des droits électoraux en faveur des indigènes israélites » [19]. 19Reprenant un projet préparé dans les dernières années du Second Empire, Adolphe Crémieux, avocat et ancien ministre de la Seconde République mais également président de l’Alliance israélite universelle, promulgue, en tant que ministre de la Justice du gouvernement de la Défense nationale, le décret qui porte aujourd’hui son nom, en octobre 1870. Le texte déclare donc citoyens français les israélites indigènes » des départements de l’Algérie et les soumet juridiquement au Code civil. L’importance du décret réside dans le caractère massif et obligatoire du changement de statut. 20Le décret Crémieux, qui est présenté aujourd’hui comme l’accomplissement de l’œuvre émancipatrice et républicaine française, a pourtant rencontré la résistance des milieux juifs algériens hostiles à l’abandon du droit mosaïque, et plus particulièrement des rabbins algériens traditionnels face à l’intrusion du judaïsme français [20]. Dans les milieux administratifs ou juridiques de la Troisième République, il demeure une référence paradoxale, plus exactement un contre-modèle, celui d’une naturalisation de masse et non contrôlée. Il est par exemple évoqué par les juristes du ministère de la Justice pendant la Première Guerre mondiale pour disqualifier toute proposition de loi suggérant d’ouvrir la citoyenneté française collectivement aux Algériens, ou à certaines catégories d’entre eux. 21Le décret Crémieux suscite aussi l’opposition des militaires et des administrateurs de la Colonie dès sa promulgation ; le commissaire extraordinaire de la Colonie de 1870, Charles du Bouzet, nommé par Crémieux, lui est par exemple très hostile [21]. Sous le gouvernement Thiers, une campagne continue à la Chambre incite le gouvernement à prononcer son abrogation, campagne relayée en Algérie par le nouveau gouverneur général, l’amiral de Gueydon, et par la presse. Le décret est cependant conservé, mais sa portée est limitée par un autre décret promulgué le 7 octobre 1871 sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur Félix Lambrecht. Ce décret, aujourd’hui largement oublié, vise à préciser la catégorie de population directement concernée par le décret Crémieux, à savoir les indigènes israélites. Étant donné l’importance de ce décret dans la définition de l’indigène algérien et son usage ambigu ultérieurement, il est utile de citer exactement la teneur de ses prescriptions. 22Art 1er. Provisoirement et jusqu’à ce qu’il ait été statué par l’Assemblée Nationale sur le maintien ou l’abrogation du décret du 24 octobre 1870, seront considérés comme indigènes, et à ce titre, demeureront inscrits sur les listes électorales, s’ils remplissent d’ailleurs les autres conditions de capacité civile, les israélites nés en Algérie avant l’occupation française ou nés, depuis cette époque, de parents établis en Algérie à l’époque où elle s’est produite [22]. 23Est ainsi défini, en droit, ce qu’est un indigène israélite » c’est un israélite rien n’est dit sur la définition explicite de la catégorie d’israélite, contrairement à ce qui va advenir sous Vichy qui est né en Algérie avant la conquête ou dont les parents sont nés en Algérie avant la conquête. Cette étrange référence à un droit du sol historique, au temps où l’Algérie n’était pas française, va fonder plus généralement la définition, pour les juristes, de l’indigène, y compris de l’indigène musulman. 24On insiste peu sur la portée de ce décret. Première conséquence cependant les Juifs immigrés du Maroc ou de Tunisie en sont exclus. En ce qui les concerne, la procédure de naturalisation ouverte par le sénatus-consulte demeure la seule voie possible pour accéder à la citoyenneté française. Par ailleurs, le décret Lambrecht s’est avéré fondamental lors de l’annexion des territoires du M’Zab en 1882. Les Juifs mozabites, ces nouveaux Juifs algériens, bénéficiaient-ils des dispositions du décret Crémieux ? Le gouverneur général Tirman se montre hostile à cette solution et soutient l’idée, dans sa correspondance avec le ministère de la Justice du 11 juin 1884, que les Juifs mozabites ne sont pas nés en Algérie avant la conquête, puisqu’en 1830, le M’Zab ne faisait pas partie de l’Algérie [23] ! De sorte qu’en vertu des principes édictés par le décret de 1871, les Juifs de M’Zab ne peuvent être considérés comme citoyens français, et conservent par conséquent leur statut personnel mosaïque. Cette interprétation, agréée par le ministère de la Justice, est dès lors reprise, à quelques exceptions près, par la doctrine juridique, qu’elle soit algérienne ou métropolitaine. Les Juifs du M’Zab sont demeurés exclus de la citoyenneté française jusqu’à l’indépendance, ce qui n’a pas été sans poser à nouveau de sérieux problèmes, en 1962, lorsqu’il a fallu décider s’ils étaient Français ou Algériens [24]. 25C’est également en s’appuyant sur une application littérale du décret Lambrecht que des maires élus sur des programmes anti-juifs » ont cherché à radier les Juifs des listes électorales de leurs communes, à la fin du XIXe siècle ou dans les années 1930 comme à Sidi-Bel-Abbès [25], à défaut de pouvoir directement abroger le décret Crémieux. En effet, dans ces communes, les services municipaux ont exigé des électeurs juifs qu’ils apportent la preuve de leur naissance, ou de celles de leurs ascendants, en Algérie avant 1830. Tout défaut de preuve équivaut alors à une tentative de fraude et entraîne la radiation. Il va sans dire que la plupart du temps, et à fortiori à la fin des années 1930, une telle preuve est impossible à apporter puisque l’Algérie était dépourvue d’état civil au moment de la conquête et que les actes de notoriété, plus ou moins acceptés, deviennent difficiles à établir à partir des années Juifs marocains et tunisiens entre droit du sol et naturalisation26À partir du décret Lambrecht, la question des naturalisations juives concernent donc au premier chef les immigrés tunisiens et marocains, et dans une proportion beaucoup plus faible les mozabites tableau 2. Rappelons, avant d’aller plus loin dans l’étude de ces naturalisations, que la question du statut des immigrés du Maroc et de Tunisie se pose de façon accrue à partir des années 1880, et après la grande loi sur la nationalité de 1889. En effet, les Marocains et les Tunisiens, qu’ils soient juifs ou musulmans, sont des étrangers, au contraire des indigènes ». Leur statut de protégé français 1881 pour les Tunisiens, 1912 pour les Marocains n’y change rien ils conservent leur nationalité tunisienne ou marocaine et sont donc, en droit, semblables aux étrangers européens. Or la présence de ces derniers, de plus en plus nombreux sur le sol algérien [26], conduit les autorités coloniales en Algérie à s’inquiéter de cette population étrangère, de nationalité essentiellement espagnole et italienne, susceptible d’exacerber les appétits impérialistes des autres puissances européennes. 27Le problème est que depuis le Code Napoléon, le droit du sol a été supprimé au profit du droit du sang la naissance sur le sol de la France et a fortiori de l’Algérie n’entraînait plus l’accès à la nationalité française. Dès 1884, le gouverneur général Tirman envoie donc au gouvernement un projet de loi élaboré par l’École de droit d’Alger visant à accorder la nationalité française aux enfants d’étrangers nés sur le sol algérien [27]. Si le projet n’est pas retenu, l’idée n’est pas rejetée pour autant dans les sphères gouvernementales. Lorsqu’est discutée et votée la grande loi sur la nationalité de 1889 qui réintroduit le droit du sol dans le droit français, l’Algérie est incluse dans le bénéfice de la loi l’enfant d’étranger né en Algérie devient français et citoyen s’il réside encore en Algérie à sa majorité. Grâce à la loi de 1889, la minorité européenne se trouve intégrée dans le groupe des citoyens français dès la seconde génération. L’algérianisation » de la population européenne est en cours, d’autant qu’à partir de 1896, le nombre des Européens nés en Algérie est devenu supérieur à celui des immigrés. 28Qu’en est-il des immigrés issus des pays musulmans du Maghreb, et au premier chef du Maroc et de Tunisie ? Le recensement de 1886 a en effet dénombré 4 893 Tunisiens et 17 445 Marocains résidant en Algérie [28]. La loi de 1889 leur est-elle applicable ? La Cour de cassation, par plusieurs arrêts du 22 avril 1896, la plupart concernant des Juifs nés en Algérie de parents tunisiens ou marocains [29], juge qu’aucun texte ne justifie une exception à son application en faveur des étrangers des pays musulmans. En effet, le texte de la loi, rédigé en France suivant des problématiques métropolitaines, ne précise pas la religion ou l’origine nationale des bénéficiaires et ne peut, en conséquence, autoriser l’exclusion des immigrés des pays musulmans. Cependant, l’administration coloniale n’a appliqué le texte aux étrangers des pays musulmans qu’avec la plus grande répugnance, au motif qu’elle ne peut accorder aux Marocains ou aux Tunisiens des droits qui demeurent fermés aux indigènes algériens, qu’elle considère alors comme plus proches » culturellement des Français. La multiplication des arrêts de la Cour de cassation, uniformes quant à leur interprétation de l’application du droit du sol aux Marocains et Tunisiens, confirme également, a contrario, les résistances administratives. 29L’analyse de la base de données des naturalisés marocains et tunisiens, reconstituée à partir du Bulletin Officiel du gouvernement général de l’Algérie, tend à confirmer qu’effectivement, quasiment aucun des Marocains ou Tunisiens naturalisés n’a été en mesure de réclamer le bénéfice de la loi de 1889. En effet, parmi ceux qui sont nés en Algérie, on ne retrouve que trois cas, des Marocains, naturalisés et majeurs après 1889 puisque l’attribution de la nationalité n’avait lieu qu’à la majorité sur plus de 916 naturalisations recensées d’étrangers issus de pays africains. Sur ces trois cas, aucune donnée précise ne vient éclairer cette anomalie ». Cependant plusieurs éléments pourraient être avancés pour l’expliquer soit ils n’étaient momentanément plus résidents en Algérie à leur majorité, soit ils avaient renoncé dans un premier temps, à leur majorité, au bénéfice de la loi. On ne peut exclure une dernière hypothèse, celle de l’erreur manifeste ou volontaire de l’administration coloniale qui instruit les dossiers de naturalisations pour des étrangers déjà citoyens français en vertu de la loi. 30Quoi qu’il en soit, qui sont les Juifs marocains et tunisiens naturalisés après 1870 ? Tout d’abord, notons que les Juifs constituent la grande majorité des naturalisations marocaines et tunisiennes, respectivement 87 % et 68 % Tableaux 1 et 2. Tout en restant assez minoritaires par rapport à l’effectif total des Marocains et des Tunisiens résidant en Algérie, le nombre de naturalisations n’en est pas pour autant négligeable 580 Juifs marocains et 156 Juifs tunisiens ont obtenu une naturalisation entre 1865 et 1919. Si les flux de naturalisations sont continus pendant toute la période, on observe néanmoins un pic dans les années 1891-1895 respectivement 115 Marocains et 36 Tunisiens naturalisés, alors même que les effectifs totaux d’immigrés marocains et tunisiens stagnent, voire régressent [30]. Peut-être peut-on y voir un effet de la loi de 1889 qui, en accordant la nationalité française aux enfants nés en Algérie, incite les autres membres de la famille, plus âgés ou nés au Maroc et en Tunisie, à suivre la voie de la francisation. 31De façon plus générale, ainsi qu’on l’avait déjà remarqué pour les premières naturalisations de Juifs indigènes », la naturalisation ne renvoie pas en effet à une démarche individuelle, mais bien la plupart du temps à une logique familiale. Non seulement les épouses se joignent aux demandes de leurs maris, conformément au souhait, sur ce point, de l’administration française qui préfère une unité de juridiction civile au sein des couples, mais bien souvent frères et parents font des démarches conjointes. On peut en avoir une première intuition à la lecture de la liste des noms de naturalisés, les mêmes noms originaires des mêmes villes se retrouvent souvent mentionnés à proximité les uns des autres. 32La lecture des dossiers de naturalisation tend à confirmer cette première impression. Ainsi par exemple, dans le dossier de naturalisation de Josué Hassan, Juif marocain né le 20 janvier 1861 à Mascara dans une famille originaire de Tétouan et naturalisé par décret le 26 janvier 1891, le procès-verbal d’enquête dressé par la mairie de Mascara fait état de sa situation familiale 33M. Hassan Josué a son père naturalisé Français négociant à Mascara, un frère cadet naturalisé Français, employé à Mascara, une sœur cadette, célibataire, sans profession, domicilié à Mascara, plus à Saïda, Laetitia Hassan, sa belle-mère et tante, sans profession ; Isaac Nahon, son beau-frère et cousin naturalisé Français, négociant, membre du Conseil municipal de Saïda. Au Maroc à Tétuan, Josué Hassan, son cousin germain, propriétaire, consul d’Es pagne, du Portugal et d’Italie, marié avec enfants à Tanger, Abraham Tolédano, son oncle maternel, négociant marié avec enfants [31]. 34Dans leur évaluation de la candidature de Josué Hassan, les différents services consultés mairie de Mascara, préfecture d’Oran, service des Affaires indigènes du Gouvernement général, insistent sur les attaches » du postulant avec la France habitant l’Algérie depuis sa naissance, lettre de recommandation du sous-secrétariat d’État des Colonies. La naturalisation antérieure de membres de sa famille plus ou moins proche est dès lors soulignée comme une preuve ultime de sa loyauté ». 35Cette dimension familiale, souvent négligée dans les études sur la naturalisation, conduit à nuancer l’explication classique du faible nombre des naturalisations juives et musulmanes par l’attachement au statut personnel religieux et la peur de l’ostracisme. Cette logique impliquerait que seuls les marginaux, les outsiders au sein de leur communauté entament une procédure aussi stigmatisante. La preuve est faite ici que la naturalisation met en jeu des logiques collectives et familiales, renforçant d’ailleurs les liens matrimoniaux. La naturalisation n’est pas une procédure anodine. Le postulant doit d’abord avoir été informé des démarches à suivre, et sa démarche sera plus aisée s’il a eu vent d’une expérience positive passée parmi ses connaissances ou son entourage familial. Par ailleurs, dans le dossier il doit décliner son état civil, et surtout sa situation de famille avec un acte de notoriété à l’appui. Impliquant toute la famille, la naturalisation est logiquement facilitée si l’ensemble de la parentèle agit de concert. 36Par ailleurs, d’autres informations peuvent être dégagées de l’étude statistique des naturalisations juives en Algérie. En premier lieu, on retrouve l’importance de l’immigration juive tétouanaise qui représente toujours 36 % des naturalisés juifs marocains après 1870. Les autres naturalisés marocains proviennent de l’ensemble du territoire marocain, avec une légère surreprésentation des villes côtières et royales marocaines dotées de communautés juives importantes Mogador, Marrakech, Tanger et Fez autour de 5 % chacune. Les naturalisés tunisiens, quant à eux, sont très largement originaires de Tunis 66 %. 37De même, est confirmée l’implantation urbaine et différenciée des populations marocaine et tunisienne en Algérie. Les Marocains se concentrent quasi exclusivement en Oranie 512 sur une population de 579, soit 88 %, 6 % demeurant dans le département d’Alger, 4 % dans celui de Constantine, le reste dans les Territoires du Sud. Les Tunisiens, en toute logique, ont surtout investi le Constantinois proche 59 %, suivi des départements d’Alger 23 % puis d’Oran 19 %. Dans le département d’Alger, la capitale attire la grande majorité des populations migrantes 72 % des 119 Juifs naturalisés, marocains et tunisiens, installés dans le département. En Oranie, les principales villes d’implantation des Juifs marocains sont Oran 27 % des Marocains naturalisés du département, Mascara 16,6 %, Saint-Denis du Sig 10,3 %, Sidi-Bel-Abbès et Saïda 7 % chacune. Les Tunisiens se retrouvent surtout à Souk-Ahras 35 % des Tunisiens résidant dans le département de Constantine, à Bône 29 %, et dans une bien moindre mesure à Guelma 11 % et à Constantine 8 %, c’est-à-dire surtout dans des communes situées à la frontière tunisienne. Ces implantations frontalières semblent témoigner de la persistance des liens et des allers et retours entre l’Algérie et le pays d’origine, où bien souvent une partie de la famille demeure encore. Dans le cas de Josué Hassan, cité plus haut, le rapport municipal a pris soin de préciser ses oncles et cousins résidant encore au Maroc. 38Cette permanence des relations et des circulations entre l’Algérie d’accueil et le Maroc ou la Tunisie d’origine peut également être déduite de la surreprésentation des métiers de commerce et de négoce dans les occupations des Juifs naturalisés près de 39 % d’entre eux ont une activité liée au commerce et à la boutique, 21 % étant déclarés plus spécifiquement négociants tableau 4. La progression, surtout à partir de 1886, de l’artisanat, domaine d’activité traditionnel des Juifs du Maghreb [32], traduit peut-être la sédentarisation sur la terre 4Activités des Juifs naturalisés entre 1866 et 1919Activités des Juifs naturalisés entre 1866 et 1919Remarque le pourcentage renvoie à la part de l’activité professionnelle dans l’ensemble des activités également la part des militaires. Activité majoritaire des naturalisés indigènes musulmans 27 % sur toute la période, avec des pointes à 47 % dans la première décennie du XXe siècle et égale ment prépondérante chez les naturalisés musulmans protégés, elle est négligeable avant 1895, mais représente ensuite plus de 15 % des Juifs naturalisés. Ces militaires indigènes ou assimilés, qu’ils soient tirailleurs infanterie ou spahis cavalerie, sont, jusqu’en 1913, exclusivement des engagés volontaires, et peuvent espérer, en cas de naturalisation, accéder aux grades de capitaine ou de chef de bataillon [33]. Comment comprendre le changement de 1895 ? Très certainement, cette augmentation est le signe d’un engagement plus important des Juifs marocains ou tunisiens dans l’armée française. Le mystère n’est cependant pas résolu pourquoi cet accroissement des engagements volontaires ? Peut-être peut-on y lire un des effets paradoxaux de la loi sur la nationalité de 1889 qui a précisément lié l’extension de la nationalité française avec le droit du sol et l’universalité du service militaire pour tous les citoyens français la loi est votée de façon concomitante. Après 1889, les dossiers de naturalisation de métropole sont évalués au regard de la contribution éventuelle du postulant à l’effort militaire par sa personne ou celle de ses fils. Dans l’Empire, la conquête a repris, cette fois-ci orientée précisément vers la Tunisie et le Maroc, puis vers l’Afrique noire. Les forces militaires ressentent à nouveau la nécessité de recruter des intermédiaires, des interprètes aussi bien linguistiques que culturels, rôle qui était précisément dévolu aux Juifs pendant la conquête de l’Algérie. L’histoire des Juifs engagés, algériens, marocains ou tunisiens dans l’armée d’Afrique reste cependant encore à écrire … 40La question de la nationalité des Juifs d’Algérie pendant la colonisation française est trop souvent réduite à l’évocation du décret Crémieux de 1870. Or c’est tout d’abord faire peu de cas des nombreuses affaires judiciaires portées par des Juifs, indigènes » ou étrangers, qui ont durablement façonné la définition et l’extension des droits civiques des populations non européennes, le cas du jeune avocat Léon-Elie Énos, à l’origine de la jurisprudence de 1862 et du sénatus-consulte de 1865, étant de ce point de vue exemplaire. 41Plus encore, le décret Crémieux n’a pas clos la controverse sur la citoyenneté des Juifs algériens, non seulement parce que son image émancipatrice colportée par la suite est mise à mal par la résistance des milieux traditionnels juifs algériens, mais également parce que sa portée n’a pas été générale. Limité par le décret Lambrecht de 1871, il laisse de côté de nombreux Juifs exclus les Marocains, les Tunisiens, et les Mozabites. 42L’étude des naturalisations des Juifs d’Algérie permet donc de mesurer à la fois la portée et les limites du décret Crémieux. Elle permet également de dresser un tableau de l’immigration juive marocaine et tunisienne en Algérie, son implantation, ses occupations, sa diversité. Demeure cependant indéterminée la question de la représentativité des naturalisés juifs au regard de la population juive immigrée générale, dans la mesure où l’outil habituellement si précieux du recensement s’avère ici inutile, aucune distinction n’étant faite entre les catégories de Juifs et de musulmans marocains/tunisiens. Notes [1] Sur les naturalisations des indigènes musulmans », je me permets de renvoyer à mon article, La citoyenneté française au miroir de la colonisation étude des demandes de naturalisation des sujets français » en Algérie coloniale », Genèses, dossier Sujets d’Empire », 53, 2003. [2] Valérie Assan, L’exode des Juifs de Mascara, un épisode de la guerre entre Abd-El-Kader et la France », Archives Juives, Revue d’histoire des Juifs de France, 2005/2, p 18. [3] La liste établie par Marc Aboudarham pour le Cercle de généalogie juive donne le chiffre de 402 Juifs indigènes » naturalisés de 1865 à 1870 en application du sénatus-consulte de 1865 AIU, CGJ, B 111. S’appuyant à la fois sur le Bulletin officiel des actes du gouvernement général et sur le Bulletin des lois, Valérie Assan en décompte 410, parmi lesquels 146 indigènes » Valérie Assan, Les Consistoires israélites d’Algérie au XIXe siècle. L’alliance de la civilisation et de la religion », thèse préparée à Paris 1 sous la dir. de Catherine Nicault, 2010, p. 641-643. [4] Kamel Kateb, Européens, Indigènes » et Juifs en Algérie 1830-1962. Représentations et réalités des populations, Paris, PUF/INED, 2001, p. 30 chiffres reconstitués à partir de l’Annuaire statistique de l’Algérie, 1932. [5] Élie Léon Enos 1833-1885 fut le premier Juif indigène » inscrit au Barreau d’Alger [ndlr]. [6] Archives nationales de France ci-après AF-AN, BB 30/1741, Rapport de l’Inspecteur général adjoint des services judiciaires au Garde des Sceaux en date du 8 juillet 1946 au sujet de la législation sur la nationalité en Algérie, Tunisie et Maroc. [7] Robert Estoublon, Bulletin judiciaire de l’Algérie. Jurisprudence algérienne de 1830 à 1876, Alger, Adolphe Jourdan éditeur, 1890 année 1862, p. 12. [8] Laure Blévis, Une université française en terre coloniale. Naissance et reconversion de la Faculté de droit d’Alger 1879-1962 », Politix, dossier La colonie rapatriée », n° 76, 2006. [9] Charles-Robert Ageron, L’évolution politique de l’Algérie sous le second Empire », dans Politiques coloniales au Maghreb, Paris, PUF, 1972, p. 70. [10] Kamel Kateb, op. cit., p. 120 à partir de l’Annuaire statistique de l’Algérie année 1932, déc. 1933. [11] De ce point de vue la population semble assez proche de celle étudiée par Valérie Assan, op. cit., à Mascara. [12] Alain Messaoudi, Renseigner, enseigner. Les interprètes militaires et la constitution d’un premier corpus savant algérien » 1830-1870 », Revue d’histoire du XIXe siècle, n° 41, 2010/2. [13] Voir cependant Jacques Taïeb, Les Juifs d’Algérie 1830-1962 démographie et société », Archives juives. Revue d’histoire des Juifs de France, 29/2, 1996, pp. 100-112 ; id., Combien y avait-il de Juifs en Algérie 1830-1962 ? », Revue des études juives, 156 3-4, juil. – déc. 1997, pp. 463-367 [ndlr]. [14] 22 % des Juifs naturalisés entre 1865 et 1870 n’ont aucune activité professionnelle mentionnée dans les bulletins. [15] Pierre Birnbaum, Sur la corde raide. Parcours juifs entre exil et citoyenneté, Paris, Flammarion, 2002, p. 117. Sur ce point et les suivants, voir également David Nadjari, L’émancipation à “marche forcée ” les Juifs d’Algérie et le décret Crémieux », Revue Labyrinthe, 28, 2007-3 ; Valérie Assan, Les Consistoires israélites d’Algérie au XIXe siècle. L’alliance de la civilisation et de la religion », Paris, Armand Colin, 2012 ; Simon Schwarzfuchs, Les Juifs d’Algérie et la France 1830- 1855, Jérusalem, Institut Ben-Zvi, 1981 ; Michael Robert Shurkin, French Nation Building, Liberalism and the Jews of Alsace and Algeria, 1815-1870, Ph. D. Yale University, 2000. [16] Michel Abitbol, La citoyenneté imposée du décret Crémieux à la guerre d’Algérie », in Pierre Birnbaum dir., Histoire politique des Juifs de France, Paris, Éditions de la FNSP, 1990, p. 198. [17] Charles-Robert Ageron, Les Algériens musulmans et la France, Paris, PUF, 1968, p. 14. [18] Archives du ministère de la Justice ci-après FR-AMJ, C 5827. Séance du 10 janvier 1870. [19] FR-AMJ, C 5827. Dans la commission, cela a été dénoncé explicitement par l’avocat général de Cléry qui met en garde contre une mesure qui donnerait à la population israélite un pouvoir important dans la mesure où ses membres formeraient le cinquième des électeurs, voire le tiers dans certaines régions comme Oran. [20] D. Nadjari, op. cit., p. 86. [21] Cet aspect apparaît très nettement dans l’entretien qu’il a eu avec la commission d’enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale le 24 juillet 1873 Carton C/2901 Archives Nationales. Il publie en 1871 une pétition à l’Assemblée nationale en vue du retrait du décret Crémieux. [22] Journal Officiel de la République Française JO, 3e année, lundi 9 octobre 1871. [23] FR-AMJ, Carton 54 111, Documentation, Bureau de la Nationalité. Émile Larcher, professeur à l’École de droit d’Alger, contesta cette interprétation du décret Lambrecht dans son Traité élémentaire de Législation Algérienne, Paris-Alger, Éd. Arthur Rousseau 1911 1re édition 1903. [24] Todd Shepard, 1962. Comment l’indépendance algérienne a transformé la France, Paris, Payot, 2008 [1re édition 2006]. [25] Laure Blévis, Une citoyenneté française contestée. Réflexion à partir d’un incident antisémite en 1938 », in La justice en Algérie 1830-1962, Association française pour l’histoire de la justice, Paris, La Documentation Française, 2005. [26] Les résultats du recensement de l’Algérie de 1886 dénombrent 219 071 Français d’origine ou naturalisés pour 203 154 Européens étrangers. [27] Jean-Claude Vatin, Exotisme et rationalité à l’origine de l’enseignement du droit en Algérie 1879-1909 », in Vatin dir., Connaissances du Maghreb, Paris, CNRS, 1984 ; Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Paris, Grasset, 2002, p. 231. Pour l’ensemble du dossier, voir Centre des archives nationales d’Outre-Mer, Aix-en-Provence, F80/2043. [28] Kamel Kateb, Européens, Indigènes » et Juifs en Algérie …, op. cit., p. 173 à partir de Statistique générale de l’Algérie, 1926. [29] Cour de cassation, chambre civile, arrêt du 22 avril 1896, Revue Algérienne de Législation et de Jurisprudence RA, 1896, 2e partie, pp. 203 et suivantes. Voir aussi Cass. civ 22/3/1905 – RA 1906-2-204 ; Cass Civ 22/3/1903, RA, 1906-2-11 ; Cass Cri 4 mai 1922. RA, 1927-2-166. Cf. enfin dans Archives nationales ci-après AN, BB30/1741, le rapport de l’Inspecteur général adjoint des services judiciaires au Garde des Sceaux, le 8 juillet 1946. [30] 14 600 Marocains et 2 300 Tunisiens sont recensés en Algérie, selon K. Kateb, op. cit., p. 173. [31] FR-AN, dossier de naturalisation de Josué Hassan, 11522X90 BB11/2499. [32] Maurice Eisenbeth, Les Juifs de l’Afrique du Nord. Démographie et onomastique. Alger, 1936, rééd. Cercle de généalogie juive, Paris, 2000 [33] Gilbert Meynier, L’Algérie révélée. La guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe siècle, Genève, Droz, 1981, p. 86. Aux originesIIIe siècle av. Massinissa unifie les royaumes numides berbères des Massyles et des Massaesyles et fait de Cirta Constantine sa capitale. 112-105 av. Rébellion de Jughurta, petit-fils de Massinissa, contre Rome. 347 Les tribus berbères insurgées s’allient aux donatistes, une secte chrétienne opposée à Rome. 354 Naissance de saint Augustin à Thagaste Souk Ahras, dans le nord-est de l’Algérie. 439-533 Les Vandales règnent sur le Maghreb romain. 533 Début de la domination byzantine. 711 Les Arabes sont maîtres de l’ensemble du Maghreb, qui devient une province omeyyade. Les populations se convertissent à l’islam. 742 Révolte kharijite secte musulmane contre le pouvoir central. 911 Destruction du royaume berbère de Tahert région d’Oran par les armées fatimides. 1453 Prise de Constantinople par les Ottomans. 1587 L’Algérie devient une régence dépendant de l’Empire ottoman. 1804-1827 Soulèvements tribaux et confrériques à travers toute l’Algérie. 1827 29 avril A la suite d’une dispute au sujet d’une dette française impayée, le dey d’Alger convoque le consul de France. Crise diplomatique franco-algérienne. 1830 14 juin Les troupes françaises débarquent à Siddi-Ferruch. Après la prise d’Alger, le 5 juillet, le dey Hussein Khodja signe la capitulation. 1832 En novembre, l’émir Abd El-Kader proclame le djihad contre les Français. 1837 La France reconnaît par le traité de la Tafna, signé le 30 mai, la souveraineté d’Abd El-Kader sur les deux tiers de l’Algérie. Elle conserve toutefois plusieurs possessions », dont Alger, Blida et Oran. Le 13 octobre, les troupes françaises s’emparent de Constantine. 1843 Prise de la smalah d’Abd El-Kader par le duc d’Aumale, en mai, et massacres de populations civiles par les Français. 1844 14 août Victoire française à la bataille de l’Isly, près d’Oujda. 1847 23 décembre. Abd El-Kader se rend. 1848 12 novembre L’Algérie est officiellement proclamée territoire français ». La francisation »1850-1870 Insurrections dans les Aurès et en Kabylie, réprimées dans le sang. La famine ravage l’Algérie entre 1866 et 1868. 1870 Le décret Crémieux, promulgué le 24 octobre, accorde la nationalité française aux Juifs d’Algérie. 1871 Début de la révolte kabyle des frères Mokrani, en mars, contre les projets de confiscation des terres. Mokrani est tué le 5 mai. Près de 500 000 hectares de terres sont confisqués et attribués aux colons. 1881 Jules Ferry fait adopter en juin le code de l’indigénat, qui instaure un régime juridique spécial pour les Algériens de confession musulmane. L’Algérie est entièrement intégrée à la France par le système des rattachements ». 1889 La loi du 26 juin accorde la nationalité française à tous les descendants d’Européens présents en Algérie, mais pas aux musulmans. 1912 Les musulmans sont astreints au service militaire en vertu de décrets promulgués en janvier. 1914-1918 Sur les cent soixante-treize mille soldats appelés et engagés d’Algérie, vingt-cinq mille Algériens musulmans et vingt-deux mille Européens sont tués au cours de la première guerre mondiale. 1916 Soulèvements dans la région de Constantine. 1926 Création, le 20 juin à Paris, de l’Etoile nord-africaine ENA, dont Ahmed Messali Messali Hadj est élu secrétaire général. Le mouvement, qui réclame l’ indépendance de l’Afrique du Nord », sera interdit en 1929. 1927 Naissance de l’Association des étudiants musulmans nord-africains AEMNA, présidée par Ferhat Abbas. 1933 Messali Hadj reconstitue l’ENA, qui sera à nouveau dissoute en 1937 par le gouvernement du Front populaire. 1936 En novembre, le projet Blum-Viollette sur l’octroi de la pleine citoyenneté française à une élite de vingt et un mille Algériens musulmans est refusé par les colons et par les indépendantistes. 1937 Messali Hadj crée le 11 mars, à Alger, le Parti du peuple algérien PPA. 1939 En septembre, le PPA est dissous, et ses principaux leaders sont arrêtés. 1940 Le décret Crémieux est aboli par le régime de Vichy en octobre. 1942 Débarquement allié à Alger. 1943 Ferhat Abbas présente en mai le Manifeste du peuple algérien, qui revendique l’égalité totale entre musulmans et Européens d’Algérie. Le texte est rejeté par le Comité français de la libération nationale CFLN, formé à Alger le 3 juin. En décembre, le général de Gaulle annonce dans un discours prononcé à Constantine une série de réformes concernant les droits civiques des Algériens. 1944 Le 7 mars, de Gaulle signe une ordonnance qui supprime le code de l’indigénat et accorde la citoyenneté française à soixante-cinq mille Algériens. La guerre d’indépendance 1945 Le 8 mai, la répression d’émeutes au cours desquelles une centaine d’Européens sont tués fait plusieurs milliers de morts entre 15 000 et 45 000 selon les estimations parmi les Algériens dans les régions de Sétif, Guelma et Kherrata. 1946 Ferhat Abbas fonde l’Union démocratique du manifeste algérien UDMA en mai, et Messali Hadj le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques MTLD en octobre. Ce dernier obtient cinq sièges de député aux élections législatives de novembre. 1947 Naissance, le 15 février, de l’Organisation spéciale, un groupuscule clandestin pour la lutte armée en Algérie mis sur pied par le MTLD. Le 20 septembre, l’Assemblée nationale adopte le statut de l’Algérie », qui prévoit notamment la création d’une assemblée algérienne comprenant des représentants européens et non européens. Tous les députés musulmans algériens le rejettent. 1954 En avril, un groupe de militants du Parti du peuple algérien PPA déterminés à entrer dans la lutte armée en constituant un front commun créent le Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action CRUA, transformé en Front de libération nationale FLN le 1er novembre début de la guerre d’indépendance. En décembre, les partisans de Messali Hadj créent le Mouvement national algérien MNA. 1955 Le Parlement français vote l’état d’urgence en avril. Le 20 août, des milliers de paysans de la région de Constantine se soulèvent. Débats aux Nations unies 27-30 septembre sur la question algérienne ». 1956 Le 16 mars, l’Assemblée nationale accorde les pouvoirs spéciaux au gouvernement de Guy Mollet. Le premier congrès du FLN, dans la vallée de la Soummam, le 20 août, aboutit à la création du Comité national de la révolution algérienne CNRA. A la fin de l’année, on compte plus d’un demi-million de soldats français en Algérie. 1957 Janvier-octobre. Bataille d’Alger. L’armée française généralise l’usage de la torture. 1958 Le 13 mai, l’armée prend le pouvoir en Algérie et crée le Comité de salut public, dirigé par le général Jacques Massu. Le 1er juin, à Paris, le général Charles de Gaulle est investi comme président du conseil premier ministre. Le Gouvernement provisoire de la République algérienne GPRA, avec à sa tête Ferhat Abbas, est formé le 19 septembre. De Gaulle propose la paix des braves » aux insurgés algériens en octobre. Il devient le premier président de la Ve République le 21 décembre. 1959 De Gaulle reconnaît, au cours d’une allocution prononcée le 16 septembre, le droit à l’autodétermination des Algériens par la voie du référendum. 1960 Semaine des barricades » à Alger le 24 janvier, des colons dirigés par Pierre Lagaillarde appellent au soulèvement des Européens au nom de l’Algérie française. Ils se rendent le 1er février. Le 5 septembre s’ouvre le procès du réseau d’aide au FLN animé par Francis Jeanson. Des intellectuels favorables à l’indépendance publient le Manifeste des 121 ». Le 19 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies reconnaît le droit de l’Algérie à l’indépendance. L’indépendance1961 Le 8 janvier, le référendum sur la politique d’autodétermination voit un large succès du oui », en France comme en Algérie. En février, des activistes européens constituent l’Organisation armée secrète OAS. Echec du putsch des généraux » en avril. Le 17 octobre, la répression policière d’une manifestation algérienne pacifique à Paris fait une centaine de morts. 1962 Le 8 février, à Paris, les forces de l’ordre chargent un rassemblement contre l’OAS, tuant neuf Français à la station de métro Charonne. L’enterrement des victimes, le 13, rassemble un demi-million de manifestants. La signature des accords d’Evian, le 18 mars, est suivie d’un cessez-le-feu dès le lendemain. L’indépendance de l’Algérie sera ratifiée par référendum, en France le 8 avril et en Algérie le 1er juillet. Le 5 juillet, l’Algérie proclame son indépendance. Début de l’exode des Européens d’Algérie. Le bilan de la guerre est de 300 000 à 600 000 morts selon les sources. Le 22 juillet, M. Ahmed Ben Bella, soutenu par le colonel Houari Boumediène, qui commande l’Armée nationale populaire ANP, forme à Tlemcen un Bureau politique contre le GPRA, installé à Alger. En septembre, l’ANP entre dans la capitale. M. Ben Bella prend la tête du gouvernement le 29 septembre. 1963 La Constitution est adoptée par référendum le 8 septembre. Instauration d’un régime de parti unique. M. Ben Bella est élu président de la République le 15 septembre. M. Hocine Aït Ahmed crée quelques jours plus tard le Front des forces socialistes FFS et entre en dissidence en Kabylie. 1964 Les troupes françaises se retirent d’Algérie en juin, mais restent présentes à Mers El-Kébir et au Sahara. 1965 Le colonel Boumediène renverse M. Ben Bella le 19 juin. La Constitution est abrogée en juillet. 1966 Nationalisation des mines et des compagnies d’assurances étrangères en mai. Signature d’accords de coopération avec la France. 1967 L’armée française quitte les bases de Reggane et Béchar en mai. En juin, l’Algérie rompt ses relations diplomatiques avec les Etats-Unis à la suite de la guerre entre Israël et les armées arabes. Coup d’Etat avorté contre Boumediène en décembre. 1968 Les Français évacuent la base de Mers El-Kébir en janvier. 1971 Nationalisation des hydrocarbures le 24 février l’Etat acquiert 51 % des avoirs des sociétés pétrolières françaises présentes en Algérie. En novembre, le gouvernement lance la révolution agraire » et la gestion socialiste des entreprises » GSE. 1973 Septembre. Le IVe sommet des pays non alignés se tient à Alger. 1974 Dans un discours prononcé aux Nations unies, en avril, Boumediène prône l’instauration d’un nouvel ordre économique international. 1975 Visite de Giscard d’Estaing, en avril, la première d’un président français depuis l’indépendance. Elle confirme l’ampleur des divergences entre les deux pays. 1976 La Charte nationale est approuvée le 27 juin par référendum et la Constitution le 27 novembre. Boumediène, unique candidat en lice, est élu président en décembre. Vers la guerre civile 1978 27 décembre. Mort de Boumediène. 1979 7 février. Le colonel Chadli Bendjedid est élu président. 1980 Printemps berbère » émeutes à travers toute la Kabylie, en avril, pour la reconnaissance de la culture berbère. 1981 François Mitterrand, qui se rend à Alger en novembre, propose que les rapports franco-algériens soient un symbole des relations nouvelles entre le Nord et le Sud ». Trois mois plus tard, les deux pays signent un accord sur le gaz. 1983 Visite du président Chadli à Paris, en novembre, la première d’un chef d’Etat algérien depuis l’indépendance. 1984 M. Bendjedid est réélu le 12 janvier. Adoption, en juin, du code du statut personnel et de la famille, particulièrement réactionnaire. 1986 Manifestations étudiantes à Sétif et à Constantine en novembre. 1988 De violentes émeutes à Alger et dans le reste du pays, du 4 au 10 octobre, font plusieurs centaines de victimes 600 morts selon un bilan officieux. L’état de siège est déclaré. M. Bendjedid est réélu en décembre après avoir promis des réformes politiques et économiques. 1989 Une nouvelle Constitution, qui ouvre la voie au multipartisme, est adoptée par référendum le 23 février. Le Front islamique du salut FIS, créé le 18 février et dirigé par MM. Abassi Madani et Ali Belhadj, est légalisé en septembre. 1990 Fin de la réforme agraire. 12 juin. Le FIS remporte une large victoire aux élections municipales et régionales, premiers scrutins libres depuis l’indépendance. Le général Khaled Nezzar est nommé ministre de la défense en juillet. 1991 Le 23 mai, le FIS appelle à une grève illimitée. Les affrontements entre forces de l’ordre et militants du FIS font des dizaines de morts. Le premier ministre Mouloud Hamrouche, démissionnaire, est remplacé par M. Sid Ahmed Ghozali le 5 juin. Le 26 décembre, le premier tour des élections législatives est remporté par le FIS avec 47 % des suffrages. 1992 Le président Bendjedid, soupçonné de complaisance envers le FIS, est contraint à la démission le 11 janvier. Le 14, il est remplacé par un Haut Comité d’Etat HCE, dirigé par Mohamed Boudiaf. Le second tour des élections est annulé. Les violences qui s’ensuivent font près de soixante-dix morts. Le HCE proclame l’état d’urgence le 9 février et dissout le FIS le 4 mars. Le 29 juin, Boudiaf est assassiné à Annaba. Le 26 août, un attentat à la bombe dans l’aérogare d’Alger, attribué aux islamistes, fait huit morts et une centaine de blessés. Début de la décennie noire ». 1993 L’état d’urgence est prorogé pour une durée indéterminée le 7 février. On estime à quinze mille le nombre de personnes tuées en un an. Réconciliation »1994 Le général Liamine Zeroual est nommé aux commandes de l’Etat le 30 janvier par le HCE. Apparition des Groupes islamiques armés GIA, dont se démarque l’ex-FIS. 1995 Le 13 janvier, les principales formations de l’opposition, islamistes compris, signent à Rome un contrat national » appelant notamment à l’arrêt des violences. Le pouvoir rejette le texte. Le général Zeroual remporte l’élection présidentielle dès le premier tour, le 16 novembre, avec plus de 60 % des suffrages. 1996 La réforme constitutionnelle renforçant les pouvoirs du président de la République et interdisant les partis religieux et régionalistes est approuvée par référendum, le 13 novembre, avec plus de 85 % des voix. 1997 Le 24 septembre, l’Armée islamique du salut AIS, bras armé de l’ex-FIS et opposée aux GIA, annonce une trêve à partir du 1er octobre. Le 23 octobre, après avoir remporté les élections législatives de juin, le Rassemblement national démocratique RND de M. Zeroual obtient plus de 55 % des sièges des assemblées communales. La répression va crescendo. 1998 En septembre, M. Zeroual annonce sa volonté de démissionner et la tenue d’une élection présidentielle anticipée. 1999 Le 15 avril, M. Abdelaziz Bouteflika remporte l’élection présidentielle avec 73,8 % des suffrages. L’opposition dénonce des fraudes massives. Le 6 juin, l’AIS proclame l’arrêt définitif de ses opérations. Le 18 août, le Mouvement algérien des officiers libres MAOL, créé en 1998, appelle à poursuivre en justice les généraux responsables de la tragédie » algérienne. La loi de concorde civile » est approuvée par référendum, le 16 septembre, par plus de 98 % des voix. 2001 Emeutes sanglantes en Kabylie, en avril, après la mort d’un lycéen dans une gendarmerie. D’importantes manifestations ont lieu à Tizi Ouzou et à 3 octobre, le gouvernement présente un projet de réforme visant à officialiser la langue berbère tamazight. Signature, le 19 décembre, d’un accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne. 2002 Le 8 avril, le tamazight est reconnu langue nationale — mais non officielle — par le Parlement. Le FLN remporte les élections législatives du 30 mai, boycottées par les partis kabyles. 2003 Les anciens leaders du FIS, MM. Madani et Belhadj, sont libérés et appellent à la fin de la lutte armée le 25 août. 2004 M. Bouteflika obtient 85 % des suffrages à l’élection présidentielle du 8 avril. Le gouvernement signe un accord de partenariat stratégique avec la France en juillet. 2005 La Charte pour la paix et la réconciliation nationale est approuvée par référendum, le 29 septembre, à plus de 97 % des voix. Le bilan de treize ans de violences est estimé entre 150 000 et 200 000 morts et des milliers de disparus. 2007 Le FLN remporte les élections législatives organisées en mai. Le 9 juin, Alger et Washington concluent un accord sur le développement du nucléaire civil. Après un automne particulièrement meurtrier près de 80 morts lors d’attentats et d’affrontements entre islamistes et forces de sécurité, un double attentat-suicide dans la capitale, le 11 décembre, fait quarante et une victimes. 2008 Le 8 juin, l’explosion de deux bombes visant le convoi d’une entreprise française, près d’Alger, tue douze personnes, dont un ingénieur français. Recrudescence des attentats en août. Le 12 novembre, M. Bouteflika fait réviser la Constitution afin de briguer un troisième mandat. Il est réélu six mois plus tard avec plus de 90 % des suffrages, les principaux partis d’opposition ayant appelé à boycotter le scrutin présidentiel. 2011 Du 3 au 10 janvier, des émeutes contre le pouvoir et contre la vie chère font cinq morts et plus de huit cents blessés. Le gouvernement décide de baisser les prix de plusieurs denrées de base, comme le sucre ou l’ 12 février, une marche dans la capitale, réunissant deux mille manifestants à l’initiative de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie CNCD, est bloquée par trente mille policiers. Le 15 avril, il promet une série de réformes politiques. La nouvelle loi sur l’information, adoptée le 12 septembre, met fin au monopole de l’Etat sur l’audiovisuel et consacre l’ouverture du secteur au privé. Le délit de presse est dépénalisé. Le gouvernement s’engage également à conforter le pluralisme démocratique ». Le 3 novembre, les députés rejettent le projet de loi sur la représentativité des femmes au Parlement et dans les assemblées locales, présenté en août par M. Bouteflika. Le texte initial portait le quota de femmes de 7 % à 30 %. La nouvelle mouture, qui prévoit une représentation variable selon la taille des circonscriptions, réduit de fait la possibilité pour les femmes d’être élues.

archives du gouvernement général de l algérie